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mercredi 8 mars 2017

RICHARD HAWLEY ~ Truelove's Gutter [2009]


Depuis huit ans, Richard Hawley fait la plus belle musique du monde, mais il semble que peu de gens le sachent. Depuis Late night final inaugurant sa carrière solo jusqu'à ce Truelove's gutter, l'homme n'a pas bougé d'un iota, à l'exception du précédent, Lady's bridge, son seul album à moitié raté. Il tient la barre et ne dévie pas. Entre temps, nous avons eu les Strokes, les White Stripes, un groupe avec un chanteur à tête de rat (Muse), un autre à tête de nœud (Coldplay), Keane, Arcade Fire, MGMT etc. Tout ce beau monde se décarcasse avec plus ou moins de talent pour laisser sa petite emprunte dans un rock'n'roll qui commence à sentir l'arthrite. Hawley fait tout le contraire et c'est pour ça qu'il durera plus que les autres. Hors du temps, hors du monde, l'homme de Sheffield chante des berceuses trouvant leur source à une époque que personne n'a réellement connue. Hawley, dans le fond, est comme Dylan : ses références sont toutes hors d'âge. De Gene Vincent à Hank Williams, de Dean Martin à Faron Young, il s'auto-alimente, en toute autarcie, avec les disques qu'écoutaient son père et le père de ce père, et le père de ce père. Rien d'autre n'est venu polluer ses oreilles. Depuis huit ans, il laboure le même sillon. Son art est dans la chanson d'amour, reposant sur presque rien. On trouve, en fouinant bien, du céleste, de la guitare baryton, du vibrato, de l'écho, de la batterie jouée aux balais. Mais pour le reste, c'est le vide. Hawley, Miles Davis du rock, fait ses disques de manière silencieuse. Ce sont les mêmes accords qui l'obsèdent d'album en album et, à vrai dire, le musicien travaille toujours la même chanson. Celle-ci est pleine d'écho, de vent, et chiche en notes. C'est la chanson de La Nuit du chasseur mais en version positive, en version anesthésiante... C'est l'épure absolue. Chez ce romantique vivant dans un monde pré-Beatles, à l'esthétique fifties pleine d'innocence, il n'y a pas une note en trop. Il y a même des fantômes de note. De la guitare liquide, des sons fantasmatiques, des ectoplasmes ! Et puis, le voici qui ouvre la bouche, s'empare du micro, et sort ce truc... cette voix ! Du baryton dément, plus beau encore que ceux de Lee Hazlewood et Scott Walker réunis. Lorsque Richard hawley chante, la beau des disques comme on en fait plusté du monde paraît. C'est un révélateur, un magicien. Qui gère son talent avec une infinie grâce : voir, par exemple, le crescendo hallucinant de Soldier on. Un moment rare, un frisson violent, un émerveillement. Tout le monde est tenté, après s'être enfilé cinquante fois de suite les huit morceaux de Trulove's gutter, de dire qu'il s'agit de son plus bel album. A vrai dire, non. Late night final était parfait. Cole's corner aussi. Lowedges idem. Celui-ci est seulement aussi beau que les précédents, et ce n'est pas une mince affaire. Alors que le monde tourne, s'agite, se pose des questions inutiles (Oasis reformé ? déformé ?), Richard Hawley traîne sa Gretsch et sa mélancolie, chante l'homme de tous les jours, ce working class hero dont il se sent si proche, et continue de sortir méticuleusement des disques comme on en fait plus, qui n'ont d'ailleurs jamais vraiment existé avant lui... Et, de chanson en chanson, au fil des ans, atteint la perfection suprême. Et avec lui est retrouvé le plaisir adolescent de la quête : voici enfin un auteur dont on attend chaque nouvel album en trépignant. Par conséquent, la vraie question est : comment pourrions-nous vivre sans les albums de cet homme ? Durement, sans doute.
Nicolas UNGEMUTH [Rock&Folk 507 - Novembre 2009]

C'est une nouveauté pour Absolutely Cool : de temps à autre, je vous proposerai un chef-d'oeuvre accompagné d'une chronique d'époque... Oh, je ne suis pas sans savoir que Nicolas Ungemuth (plus facile à éternuer qu'à prononcer, un blaze pareil !) compte quelques détracteurs. En général, on lui reproche sa mauvaise foi. C'est tout à fait injuste : c'est en toute bonne foi qu'il égratigne ou assassine les groupes qu'il juge insupportables ! Si je l'apprécie autant, c'est peut-être parce que je partage plusieurs de ses petites détestations, mais plus certainement parce que je me reconnais dans la majorité de ses passions - en commençant par le génial Richard Hawley. En plus, il possède un joli coup de patte, ce qui ne gâche rien. 
Jimmy JIMI [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !]


01 - As The Dawn Breaks 
02 - Open Up The Door
03 - Ashes On The Fire
04 - Remorse Code
05 - Don't Get Hung Up On Your Soul
06 - Soldier On
07 - For Your Lover, Give Some Time
08 - Don't You Cry
MP3 (320 kbps) + artwork
COOL 5