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lundi 22 mai 2017

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 138


138. ALL OR NOTHING [THE SMALL FACES] 

   Le vent était si délicieux qu'on en aurait mangé à la petite cuillère. 

   Mes bottines crurent reconnaître les marches du perron de la maison du cousin d'Oscar (cela aurait bien été le genre de ce dernier de tremper dans ce type de surprise) mais pas le long couloir qu'Eleonore me fit traverser. Elle m'aida ensuite à m’asseoir. La pièce était chargée de trop d'odeurs et d'électricité pour que je puisse y déceler le moindre indice. Elle m'enleva le casque au sublime milieu du All or nothing des Small Faces (ce qui, en toute autre occasion, aurait valu un lourd châtiment corporel !).    

   « Je vous remercie tous pour votre présence, dit Mary d'une voix étranglée par une vive émotion, je vais vous demander d'avoir la gentillesse de patienter encore quelques minutes avant de retirer vos masques ; j'ai un enregistrement à vous faire écouter... Merci de garder votre calme et de rester silencieux jusqu'à la fin. »

   Je n'y comprenais goutte. 

   « Bonjour à toutes et tous. Je sais que vous ne me pardonnerez jamais, parce que je suis un impardonnable monstre... J'étais jeune, rongé par l'ambition, et je savais que je ne ferais jamais vraiment partis de votre bande, alors j'ai commis cette trahison ignoble... Ce n'est pas grand chose en comparaison de ce que je vous ai volé, mais, il y a déjà longtemps, avec l'argent que m'a rapporté vos chansons, j'ai fais construire cette maison en face des falaises. Si vous vous serrez un tout petit peu, il devrait y avoir de la place pour tout le monde... Je remercie Jimmy, s'il ne m'avait pas expédier dans les vapes à grands coups de poings, je n'aurais peut-être jamais trouvé le courage de vous l'offrir... J'espère que vous y passerez des moments merveilleux... Je ne vous fais pas cadeau de mon nouveau disque qui doit paraître la semaine prochaine, ça risquerait de gâter l'ambiance ! »

   Il y eut des cris étouffés, des bruits de chaises manquant se renverser et deux ou trois insultes bien salées s'échappant entre des dents serrées...  

   Je vous le jure, de toute votre vie, vous n'avez pu entendre une voix aussi geignarde, et je n'ose exprimer ce que je pensais de sa petite vanne pourrie qui, mine de rien, nous rappelait qu'il appartenait encore à ce monde de la musique duquel son infâme traîtrise nous avait exclu...     

   Sur cette pesante réflexion – et avec une page d'avance –, un fou furieux fracassa la porte d'entrée avant de faire irruption dans le salon en braillant comme un damné : « Mais qu'est-ce que c'est que cet incroyable fichu bazar ? Vous avez donc pas lu les notes d'Elliott Murphy sur la pochette du live de 69 du Velvet Underground : « Contrairement au cinéma, le rock'n'roll ne ment pas, il ne promet pas une fin heureuse » ?