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lundi 20 mars 2017

RICHARD AND LINDA THOMPSON ~ I Want To See The Bright Lights Tonight [1974]


Un disque très drôle pour se pendre, enregistré par un jeune homme qui vient de se marier. Richard Thompson quitte Fairport Convention après trois disques illuminés par Sandy Denny (ceux qui n’ont jamais entendu leur reprise de I’ll keep it with mine n’auront pas perdu leur journée). Sans écurie fixe, il cachetonne pour des inconnus, Nick Drake, John Martyn, etc. Il livre un premier album solo remarquable : la pire vente de l’histoire de la Warner. Survient la rencontre avec Linda, elle possède un timbre désincarné, lui des chansons totalement déprimantes et cyniques, le contrat de mariage est prometteur. Leur premier album en commun est aujourd’hui considéré comme le chef-d’oeuvre de Thompson (c’est vrai et faux : il en a une dizaine d’autres). Dès les premières notes de guitare électrique, ces drones tendus, il se passe quelque chose. Personne ne joue comme ça. Les bras de James Burton greffés par erreur sur une cornemuse. Le disque s’ouvre, on arrive à la frontière, on ne reviendra probablement pas, Winterreise, après moi le déluge. Premier arrêt, une croix du calvaire : passée l’introduction inouïe, la batterie escargot évoque une fois de plus la fin du monde (voir Mother de John Lennon). Le folklore anglais, avec ses histoires sanglantes, ses coucheries ambiguës entre fées et nobliaux enchante Thompson depuis tout petit, mais le pays s’en fiche : peut-on imaginer plus triste hymne national que Withered and died ? Il reste l’option de se saouler à mort avec la chanson titre. Dieu ment, pas la bouteille : Down where the drunkards roll évoque un paradis liquide, pas loin du Gin Lane de Hogarth, un quai où le moindre assassin peut se prendre pour le Christ avec quelques pièces. Viennent les retrouvailles en famille, une fois par an, pour oublier les rancœurs et la mort. La solitude du samedi soir. Puis The End of the rainbow, cette chanson impensable où le père se penche sur le berceau du nouveau né pour lui révéler ce qui l’attend : rien, ou pire encore. Richard, roi des spoilers. Conclusion logique, l’image du funambule Valerio qui marche sur un fil, l’oeil rivé sur l’autre bord, prêt à s’écrouler devant la foule qui n’attend que ça. Le grand disque est dans les détails : les questions/réponses au douanier à la fin de When I get to the border, les claquettes de la Beggar girl, les cuivres mis au clou de la chanson titre, les chœurs gospel zombies de Calvary cross. Et, partout, un rire que personne n’a mixé en avant. La voix de Linda évite les acrobaties envahissantes du chant celtique, tout est retenu, pur. Un détachement d’une grande tendresse même si l'odeur dominante est le cimetière : on sort d'une écoute complètement sonné. Sinon, il paraît que Richard Thompson joue aussi de la guitare.
Ernesto VIOLIN [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !]



01 - When I Get To The Border
02 - The Calvary Cross
03 - Withered And Died
04 - I Want To See The Bright Lights Tonight
05 - Down Where The Drunkards Roll
06 - We Sing Hallelujah
07 - Has He Got A Friend For Me
08 - The Little Beggar Girl
09 - The End Of The Rainbow
10 - The Great Valerio
11 - I Want To See The Bright Lights Tonight (Live) [Bonus Track]
12 - Together Again (Live) [Bonus Track]
13 - The Calvary Cross (Live) [Bonus Track]
MP3 (320 kbps) + artwork
COOL 11