Un disque très drôle pour se pendre, enregistré par un jeune homme qui vient de se marier. Richard Thompson quitte Fairport Convention après trois disques illuminés par Sandy Denny (ceux qui n’ont jamais entendu leur reprise de I’ll keep it with mine n’auront pas perdu leur journée). Sans écurie fixe, il cachetonne pour des inconnus, Nick Drake, John Martyn, etc. Il livre un premier album solo remarquable : la pire vente de l’histoire de la Warner. Survient la rencontre avec Linda, elle possède un timbre désincarné, lui des chansons totalement déprimantes et cyniques, le contrat de mariage est prometteur. Leur premier album en commun est aujourd’hui considéré comme le chef-d’oeuvre de Thompson (c’est vrai et faux : il en a une dizaine d’autres). Dès les premières notes de guitare électrique, ces drones tendus, il se passe quelque chose. Personne ne joue comme ça. Les bras de James Burton greffés par erreur sur une cornemuse. Le disque s’ouvre, on arrive à la frontière, on ne reviendra probablement pas, Winterreise, après moi le déluge. Premier arrêt, une croix du calvaire : passée l’introduction inouïe, la batterie escargot évoque une fois de plus la fin du monde (voir Mother de John Lennon). Le folklore anglais, avec ses histoires sanglantes, ses coucheries ambiguës entre fées et nobliaux enchante Thompson depuis tout petit, mais le pays s’en fiche : peut-on imaginer plus triste hymne national que Withered and died ? Il reste l’option de se saouler à mort avec la chanson titre. Dieu ment, pas la bouteille : Down where the drunkards roll évoque un paradis liquide, pas loin du Gin Lane de Hogarth, un quai où le moindre assassin peut se prendre pour le Christ avec quelques pièces. Viennent les retrouvailles en famille, une fois par an, pour oublier les rancœurs et la mort. La solitude du samedi soir. Puis The End of the rainbow, cette chanson impensable où le père se penche sur le berceau du nouveau né pour lui révéler ce qui l’attend : rien, ou pire encore. Richard, roi des spoilers. Conclusion logique, l’image du funambule Valerio qui marche sur un fil, l’oeil rivé sur l’autre bord, prêt à s’écrouler devant la foule qui n’attend que ça. Le grand disque est dans les détails : les questions/réponses au douanier à la fin de When I get to the border, les claquettes de la Beggar girl, les cuivres mis au clou de la chanson titre, les chœurs gospel zombies de Calvary cross. Et, partout, un rire que personne n’a mixé en avant. La voix de Linda évite les acrobaties envahissantes du chant celtique, tout est retenu, pur. Un détachement d’une grande tendresse même si l'odeur dominante est le cimetière : on sort d'une écoute complètement sonné. Sinon, il paraît que Richard Thompson joue aussi de la guitare.
Ernesto VIOLIN [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !]
01 - When I Get To The Border
02 - The Calvary Cross
03 - Withered And Died
04 - I Want To See The Bright Lights Tonight
05 - Down Where The Drunkards Roll
06 - We Sing Hallelujah
07 - Has He Got A Friend For Me
08 - The Little Beggar Girl
09 - The End Of The Rainbow
10 - The Great Valerio
11 - I Want To See The Bright Lights Tonight (Live) [Bonus Track]
12 - Together Again (Live) [Bonus Track]
13 - The Calvary Cross (Live) [Bonus Track]
MP3 (320 kbps) + artwork
COOL 11
merci pour cette chronique.
RépondreSupprimerLa première fois, quittant deux secondes le manche en bois d'une folk (preneuse à poussière depuis, shame on me) pour changer la face de fairport, je me dis qu'il serait temps de changer un peu et de placer le premier richard thompson sur la platine... et... j'ai détesté... vraiment, beurk, pas bien tout ça, le rejet.
et puis, heureusement, j'ai redécouvert le monsieur par le hasard d'une compilation en K7, ce qui ne nous rajeunit pas ^^
et là, coup de foudre
je trouve que tu cernes bien l'univers de cet album, toujours en équilibre entre deux monde pour finalement faire le sien entre les oscillations et les allers retours.
Merci beaucoup Jimmy de m'avoir ouvert les portes d'Absolutely Cool pour présenter un de mes disques de chevet. Je l'aime tellement que je me sens obligé de partager les liens suivants, pour ceux qui peuvent passer leurs journées à écouter Calvary Cross. On a l'impression de renaître à chaque fois. Plein de belles versions sur Youtube :
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=sZ1WvdvI-gI
Du coffret Watching The Dark, plutôt concise et nerveuse.
https://www.youtube.com/watch?v=Gt8hSC_YQvE
Plus longue, gorgée de trémolo, elle part dans territoires insensés...
Bon, je ne vais pas poster l'intégralité du YT de Richard Thompson. Il suffit de suivre les suggestions pour les autres versions. A noter aussi une très bonne reprise de Peter Laughner à l'époque.
Merci Yggdralivre pour ton commentaire ! Ce n'est pas évident de présenter cet univers en quelques mots, j'espère que d'autres pourront le découvrir avec cette occasion.
Merci à toi pour cet excellent billet sur cet admirable album. J'adore les disques sur lesquels les musiciens semblent vouloir porter tous les malheurs du monde. Certains les trouvent plombants, mais, personnellement, ils me réconfortent!
SupprimerJe connais plusieurs albums de Richard Thompson, un peu Fairport Convention, mais je n'ai jamais eu l'occasion d'écouter intégralement cet album. Donc c'est avec un grand plaisir que je vais m'y pencher.
RépondreSupprimerD'ailleurs, c'est un peu l'album qui cache la forêt. On ne parle finalement que de celui-là, un peu comme Rock Bottom de Robert Wyatt (œuvre que je connais mieux).
J'aime beaucoup la dernière phrase. Il joue de la guitare... Oui, il a même certainement révolutionné la guitare comme Hendrix et quelques autres, sauf qu'il l'a fait discrètement et qu'on en parle jamais. Je crois que si je devais définir mon guitar hero, ce serait lui. Surtout qu'il le fait à la fois sur l'électrique que l'acoustique.
Et j'aime également bien son chant. Pas une grande voix, mais j'aime sa texture, son vibrato et la façon dont il l'exploite pour obtenir quelque chose plein d'émotions retenues.
Bref, j'aimerais bien avoir quelques repères dans on œuvre au-delà de ce I want to see the bright lights tonight. Histoire de connaître davantage son œuvre (qui m'attend depuis de très nombreuses années).
Tu décris bien la voix. Elle n'est pas très agréable "par nature" mais j'adore ce qu'il en fait, elle est très expressive, parfaite pour ses chansons.
SupprimerJe ne sais pas si ça peut aider, mais voici quelques repères :
Henry The Human Fly, son premier album, est indispensable. Ne serait-ce que pour Roll Over Vaughn Williams. Il y a déjà tout son univers : des ballades plombées, du folklore, du rock mid tempo pour laisser la guitare électrique chanter, son fameux humour noir (The Angels Took My Racehorse Away).
Avec Linda, les 3 premiers pour la vision fantasmée de l'Angleterre. Donc Bright Lights, Hokey Pokey et Pour Down Like Silver, ce dernier très épuré car son gourou de l'époque lui interdit de jouer de la guitare "flashy" (?) Il faut être d'humeur car il est un peu lent, son album le plus mystique.
Evidemment, Shout Out The Lights, leur album de divorce. La prod est un peu sage à mon goût, mais les chansons sont bouleversantes.
Ensuite, il y a à boire et à manger. Il change un peu de style dans les années 80, plus pop FM, production ampoulée, les textes sont plus actuels et cyniques. J'ai une grande affection pour Amnesia ou Rumour and Sighs cela dit, remplis de tubes jamais entendus et de guitares déviantes.
Old Kit Bag est un retour aux sources, formation garage, plein de guitares, retour du folklore.
Mock Tudor est un album concept sur les banlieues (?), rempli de très bonnes chansons.
Et surtout, fait assez rare pour être signalé, un de ses meilleurs disques est récent : Electric, en power trio. Toutes les chansons sont excellentes, c'est sa formation actuelle et je prie de tout coeur pour que ça continue !
Yo !
RépondreSupprimerJ'ai toujours adoré cette pochette qui a inspiré du monde, à commencer par les scénaristes d' ''Omar M'a Tuer''
Ce qu'elle contient me passe parfois au-dessus de la tête mais maximum respect !
Très chouette album, je ne le connaissais pas et je te remercie pour cette découverte.
RépondreSupprimerEn fait ça fait des années que je croise son nom sans avoir jamais eu la curiosité d'écouter. Maintenant que le premier coup de pelle est donné, je vais creuser le reste.
Je trouve que son jeu de guitare (électrique) se rapproche un peu de celui de G.Harrison, il oscille entre sitar et guitare...
Je l'ai écouté ce matin sur le trajet du boulot. J'en connaissais 3 ou 4. En fait, je dirai que c'est un album qui fait du bien à l'âme. Je n'ai bien entendu pas pris soin aux textes, mais la musique me fait un peu le même effet que la présence de certains amis. Quand on les quitte, on se sent plus fort.
RépondreSupprimerPour ma part, je connaissais des albums des 90's (je n'ai plus les noms en tête mais il y avait un double). Sa voix était plus assuré et plus grave.
Merci pour ces conseils, Ernesto.
@Ernesto : merci pour cette découverte, je n'avais jamais écouté le disque. Moi aussi j'aime bien la pochette, par contre je n'ai pas été bouleversé par l'écoute. Le côté celtique ça me plait toujours mais l'ensemble m'a laissé à la porte malheureusement.
RépondreSupprimerUn chef d'oeuvre que celui-ci. C'est bien de le remettre en circulation de temps en temps...
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