ARCHIVES

mardi 3 décembre 2019

LITTLE FEAT ~ American Cutie [1973 / 2012]



(Mon) Panthéon du Rock n°4 par le Duke : Little Feat.

Les commémorations d’albums mythiques  se poursuivent pour le cinquantenaire de l’année 1969 (érotique s’il en fut). Les rentiers séniles de l’industrie musicale totalement à cours d’idées ne cessent d’éditer coffret sur coffret en version Deluxe "remasterisés" et les savants de la presse spécialisée, de disséquer, de conceptualiser, de contextualiser tous ces disques merveilleux jusqu’à leur faire perdre (presque) tout ce qui constituait leur magie. Pendant ce temps-là nos derniers poilus et barbus tombent les uns après les autres inexorablement : Gary Duncan, Dr John Rebennack, Ginger Baker et tout récemment Paul Barrère le deuxième guitariste de Little Feat.

Alors fêtons plutôt dans la tradition mexicaine l’anniversaire d’un brave tombé au champ d’honneur : Lowell George qui nous a quittés le 29 juin 1979 voici donc 40 ans.

Personnellement, j’ai découvert Little Feat en 1975 lors de la campagne promotionnelle organisée pour la tournée Buggs Bunny de Warner Bros qui présentaient un show sur deux jours avec Doobie Brothers, Graham Central Station, Bonaroo, le premier soir puis Little feat, Tower of Power et… Montrose le deuxième soir, le tout entrecoupé de cartoons maisons  de Bip bip Roadrunner, Vil Coyotte et  Pépé le Putois pendant les changements  de matos. On imagine l’ambiance pour les heureux qui ont assisté à ces concerts. J’adorais le premier album de Montrose (ben oui…) et les Doobie brothers cartonnaient dans une veine californienne proche des Eagles mais pour les trois autres (Bonaroo, c’était nase) je n’y comprenais pas grand-chose.  A 14 ans, je n’avais pas encore été initié au funk. Le début de mon histoire d’amour avec Little Feat coïncide donc avec  la découverte du slapping de Larry Graham.



Mais revenons quelques années plus tôt dans les sixties ou toute l’affaire rock'n'roll s’est pour ainsi dire accélérée. Lowell George est un enfant d’Holywood. A cette époque, les ados mineurs trainent sur le Sunset Strip vont au Pandora’s Box et au Whisky A Gogo sucer des glaces et écouter Sonny and Cher qui se font appeler Caesar et Cleo… tout cela avant que la fête dégénère en émeute le 12 novembre 1966 après l’instauration d’un couvre-feu.  Nos jeunes baby-boomers privés de défonce et de musique forte se révoltent en invoquant leur droit civil à s’exploser la tronche après 22 heures ! Ils  affrontent la police qui les cognera sans ménagement. Lowell perd un doigt de la main gauche au cours de ces évènements, le chirurgien décide de lui greffer à la place une phalange d’acier qui lui permettra d’éviter la conscription. Son sort est scellé, il sera slide guitar man ou rien et cela vaut toujours mieux que de se farcir une  horde de  Viets dans les rizières du Laos.

Au milieu des sixties, Lowell monte son premier groupe The Factory et collabore déjà avec Frank Zappa qui ne tardera pas à le recruter comme guitariste au sein des Mothers (fuckers) après un bref passage de chanteur pour les Standells de 1968 en fin de course. George est actif sur deux albums des Mothers : Wisels ripped my flesh et Burnt weeny sandwich, mais je n’arrive pas à distinguer son jeu de celui du Maitre moustachu. Zappa l’encourage à monter son propre groupe ce qu’il fait avec  Roy Estrada le bassiste à la tête de mousquetaire des Mothers. Le reste du line up est composé de Bill Payne aux claviers et Richard Hayward qui jouait déjà dans The Factory à la batterie. Litle feat est né.

D’après la légende, Zappa l’aurait viré parce que sa chanson Willin parlait de dope et c’est la marquise Pamela des Barres  que Zappa drivait dans les GTO’s qui raconte cela dans son bouquin. Mais peut-on faire confiance aux souvenirs embrumés de sexe, de drogue et de rock' n’roll d’une pétroleuse comme Pamela  DB. Je pose ici ouvertement la question ?

C’est avec  l’aide de Ry Cooder à la slide ! (cela ne s’invente pas) et de Sneaky Pete Kleynow aux pédales de guitare en acier qu’ils enregistrent leur premier album très Stonien  et remarquable : Little Feat (1970) qui sonne comme du Exile on main street avant l’heure. Le deuxième album : Sailin shoes (1972) s’avère tout aussi excellent dans la même veine mais aucun des deux ne performent dans les ventes. La pochette poilante de Sailin Shoes représentant une demoiselle gâteau partiellement entamé(e) sur une balançoire est signée par Neon Park qui assurera ensuite une collaboration continue avec le groupe pour toutes leurs pochettes (plus ou moins réussies) mais qui participeront de l’image d’un groupe qui ne s’est jamais pris au sérieux.

Après le départ de Roy Estrada rappelé par la maison Mothers/Beefheart,  Lowell George loin de se décourager persiste dans une veine Funky/Blues aux fortes racines de New Orleans  (A.Toussaint, Meters, Dr John) parfaitement originale en augmentant le groupe d’une deuxième guitare avec l’arrivée de son copain de lycée Paul Barrere, d’un nouveau bassiste totalement funky Kenny  Gradney  et de Sam Clayton (le frère de Merry) aux congas et autres  "cloches de bœufs". Avec l’indispensable Bill Payne aux claviers, c’est un orchestre époustouflant qui enregistre Dixie chicken (1973) leur sommet en studio puis Feats don’t fail me now (1974) avec lequel  ils connaissent véritablement le succès. Le groupe peut tout jouer, du boogie le plus endiablé à la ballade country (Willin’) et surtout ce blues mâtiné de funk, nappé de guitare slide et porté par la voix à la fois puissante et sensuelle de Lowell George (Un compromis entre  Howlin Wolf et Aaron Neville que Lowell admirait certainement).



Mais c’est en live que se jauge la maestria du Feat. George n’aime pas  l’ambiance corseté du studio. De ses années Mothers, il a gardé cet esprit anar et iconoclaste, de plus il ajoute une bonne dose d’humour à ses prestations qui font la part belle aux improvisations. Pendant leurs shows les morceaux créés en studio semblent se libérer de leur gangue pour donner leur pleine mesure sans pour autant tomber dans le travers des jam bands de southern et west coast rock de l’époque. Après deux albums studios très corrects (The last record album et Time loves a hero) mais un cran en dessous des quatre premiers, le Feat balance son brulot en  live : Waiting for Colombus (1978), mais Lowell George a déjà la tête ailleurs et pense à dissoudre Little feat. Il n’en aura pas le temps car il décède peu après la publication de son excellent album solo : Thanks I’ll eat here (1979) d’une crise cardiaque consécutive à ses excès de hamburgers et de speed ball  dont était friand un autre "bon vivant" nommé John Belushi (JAKE).

American Cutie  est un album live sorti en 2012 issu de deux concerts enregistrés à Denver en 1973, alors que le Feat défendait leur troisième album : Dixie chicken.

Le groupe qui est dans sa nouvelle mouture royale, récite ses futurs standards dans une formule de blues sale faussement maitrisé avec moins d’improvisation que sur Colombus ce qui en fait tout l’intérêt. Et en plus Bill Payne n’a pas encore acheté son premier synthétiseur !

Enfilez votre salopette blanche et chaussez vos boogie shoes et allons donc ripailler avec excès en souvenir de Lowell George !

THE DUKE [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !] 


01 - A Apolitical Blues
02 - Two Trains
03 - Got No Shadow
04 - The Fan
05 - Texas Rose Cafe
06 - Snakes On Everything
07 - Cat Fever
08 - Walkin’ All Night
09 - Sailin’ Shoes
10 - Dixie Chicken
11 - Tripe Face Boogie
12 - Willin’
13 - Cold Cold Cold
14 - Fat Man In The Bath Tub