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mercredi 14 novembre 2018

Gargantua au pays du rock'n'roll


Facile, j'ai la solution : il suffit de réduire ses nuits à deux heures de sommeil ! Noël approche et les coffrets tombent comme grêle. Evidemment que tout ça existe pour générer du pognon, vous pensiez que c'était uniquement pour faire plaisir aux fans ou par amour de l'Histoire de l'Art ?! On ne va quand même pas se plaindre : en notre époque formidable, non seulement, personne n'est obligé d'attendre Noël, mais, en plus, on n'est même pas obligé de passer par la caisse. Si les maisons de disques continuent à usiner du Deluxe et compagnie, c'est que ça doit marcher. En cette période où tout doit toujours aller plus vite et où l'on compile les compilations, je trouve ça plutôt chouette (et sain), finalement, que des gens aient envie de s'offrir des coffrets débordant de versions alternatives et autres fonds de tiroirs... J'en étais encore à tenter de venir à bout des huit disques constituant le coffret de Sa Majesté Bobbie Gentry (un machin qui se rapproche dangereusement de l'idée que je me fais de la perfection), quand le More blood, more tracks (six disques) de Bob Dylan est tombé prématurément dans la cheminée, aussitôt suivi de la version cinquantième anniversaire (trois disques) du Ogdens’ nut gone flake des Small Faces, lui même accompagné du Electric Ladyland (trois disques) de Jimi Hendrix, bientôt rejoint par le White album (six disques) des Beatles ! Pardonnez-moi, je vais plonger mes oreilles dans une bassine d'eau glacée, et je reviens... A une époque pas si lointaine, il fallait s'aventurer dans des quartiers louches, pousser la porte de boutiques à peine éclairées et dépenser l'équivalent de plusieurs mois de salaire pour espérer écouter la moitié de ces trucs dans des versions souvent à la limite de l'inaudible. Aujourd'hui, en échange de quelques clics, tout ça tombe par magie dans votre ordinateur, et rafraîchit de main de maître par des ingénieurs surqualifiés ! Je ne vais pas vous détailler tout le bazar (il me reste encore quelques nuits de veille), mais vous n'allez plus tarder à comprendre où je veux en venir. Evidemment, même les plus fadas n'écouteront jamais ces disques bonus aussi souvent qu'ils se délectèrent des originaux; l'immense majorité n'y retournera guère plus d'une fois l'an - et pourtant... Hier soir, le Beatles m'a mis en joie de façon extraordinaire. Pour qu'une chanson tienne sur le sillon, il ne suffit pas d'écrire des paroles et de composer une musique ; ensuite, il faut tripatouiller tout un tas de machins plus ou moins délicats pour éviter qu'elle ne blesse l'oreille après seulement trois écoutes. Ici, on s'assoit le plus discrètement possible dans un petit coin, et l'on regarde faire les génies. Ils posent d'abord les bases dans des versions acoustiques, ils laissent reposer, et puis, ils touillent et touillent encore. Des chansons vont être définitivement abandonnées, d'autres resurgiront plus tard. L'important est ailleurs. Je ne vais prendre qu'un exemple - mais quel ! Helter skelter : un jour, forcément, toutes les oreilles averties ont été bouleversées par ce chef-d’œuvre proto-punk.  Eh bien, il faut en découvrir les balbutiements : c'est comme regarder Picasso dans l'inoubliable film d'Henri-Georges Clouzot. Les Beatles l'étire tout au long d'un lent boogie pour le moins poisseux à la manière d'un Tony Joe, c'est déjà plus que fascinant, jusqu'à ce que George (je crois bien que c'est George) décoche un truc bizarre (qui n'a toujours rien à voir avec la version finale) totalement décadent, que l'on pourrait situé quelque part entre le Velvet et Television ! Rien que pour ce moment-là, moi, j'ai envie de dire : merci, Monsieur Deluxe !  Je bavarderais bien plus longtemps avec vous, mais j'ai encore quelques galettes qui me réclament. Pour ceux qui ne sont pas habitués à chercher, je tiens les bonnes adresses à leur disposition.
Jimmy JIMI [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !]