Les rock critics véhiculent une forme de pensée
unique qui me paraît dangereuse pour notre santé mentale. Lorsqu’ils se trouvent
à cours d’idées, ils développent des concepts dénués de tout fondement, par
exemple : "les Who ont inventé la power pop avec des riffs à
base d’accords majeurs" ou bien : "les Kinks ont défini la
matrice du hard rock avec le morceau You really got me"; "Keith Richards s’est enfermé dans l’open tuning de sol" ou autre
perle : "Bitches brew est un chef d’œuvre qui a donné
naissance au Jazz rock"... La power pop n’était qu'un retour salutaire au rock simple et direct des sixties, une flopée de
groupes essayant d’imiter les Who et consorts avec plus ou moins de talent.
Mais à de rares exceptions (Nerves,
Dwight Twilley band, Cars, Moon Martin), la plupart d’entre eux n’avaient ni
les compositions ni les hits (My Sharona ne vaudra jamais My
generation, on est tous d’accord) et Big Star n’a jamais été un
groupe de power pop car eux, ils avaient les compositions et bien plus
encore. L’autre jour, je discutais avec un ami d’enfance qui me
conseillait d’aller confesser par télépathie avec le nouveau cyber curé du
village aux motifs que j’étais en train de découvrir seulement aujourd’hui
et avec plaisir la discographie de
Crosby et Nash. Lorsque j’avouais piteusement que je ne possédais pas le Wild tales de Graham Nash, il m’intimait l’ordre de le commander sous 24 heures et
d’aller me coucher sans manger après avoir récité trois Notre Père et deux Je vous salue Marie. Pour me défendre, je lui indiquais que le doyen des rock
critics autoproclamé Robert Christgau (prononcez Xgau) dans son Consumer’s
guide des seventies, n’avait attribué à cet album que la note de C- et
qu’il parlait à son propos d’une certaine platitude… "Christgau ? connais pas ! Il veut dire que Wild tales est plat ? me répondit-il, et j’en restais là au risque de briser une amitié de plus de quarante ans. C’est à la suite de cette conversation que j’appris le décès
de John Prine. Dans la foulée, je m’empressais de vérifier avec un peu
d’anxiété le verdict de Christgau à son sujet :
John Prine : John Prine, 1971 (Atlantic) : A
John Prine : Diamonds in the rough, 1972
(Atlantic) : A-
John Prine : Sweet revenge, 1973 (Atlantic) :
A
John Prine : Common sense, 1975 (Atlantic) :
A-
Etc. Pour le surplus vous n’avez qu’à consulter le
guide.
Je m’en trouvais rassuré d’autant que Christgau (prononcez
Xgau !) avait attribué quatre A aux quatre premiers albums des Ramones et
deux A+ (la note suprême) aux deux albums des
New York Dolls, n’écoutant que son cœur et faisant fi des réserves habituelles sur Too much too soon qui à mon humble
avis est bien meilleur que le deuxième album que les Sex Pistols n’ont
jamais sorti. Je dois aussi le dire au curé, je n’ai jamais bien aimé le
folk (mis à part le folk anglais qui est brillant). Les hootenanies animées par Hamster Jovial avec Alan Stivell à la harpe
celtique et Marcel Dadi à la guitare en
finger picking, ça fout les boules quand on essaye de reproduire péniblement
les riffs de Ron Asheton avec une bande de lads du quartier. Mais pourquoi la power pop alors ? Eh bien parce que
Prine lui, se défend en songwriting. Ce n’est pas un de ces folkeux du Greenwich Village dont la musique ne sert
souvent que de piètre support à des rengaines protestataires. John Prine avoue humblement : "je n’écris pas de la
poésie, mais simplement des paroles." C’est surtout un compositeur de
chansons de première catégorie suffisamment rapide pour vous torcher une pépite
pendant le trajet qui sépare le club de son hôtel. Un artiste qui fut honoré
par ses pairs dont Bob Dylan auquel on l’a comparé à juste titre, Johnny Cash
qui le classait dans le big four de ses compositeurs favoris, Kris Kristoferson
qui l’avait découvert et Paul Anka qui le fit signer chez Atlantic (le meilleur
choix) pour enregistrer à Memphis dans le légendaire American Recording Studios
avec la crème des session men, le
premier Long play d’une parfaite
tétralogie. John Prine est une espèce de Randy Newman rural bien qu’il
soit né dans la banlieue de Chicago où il exerçait le métier de postier, un
artisan chroniqueur social de la société américaine à la voix râpeuse et chaude
capable de composer les plus belles
chansons du monde sur une simple
progression d’accords. Il faut écouter Angel from Montgomery interprétée par
Bonnie Raitt (une autre idole de Christgau) pour se rendre compte de la
beauté du songwriting de John Prine. Peut être que cette brève anthologie de 41 morceaux disposés
de façon chronologique vous donnera envie d’aller découvrir plus avant la
discographie de John Prine qu’on ne peut résumer dans un Best of. John Prine a été emporté par le Covid-19 à l’age de 73 ans, le
7 avril dernier, et c’est peut-être mieux ainsi car on se demande ce qu’il
aurait bien pu écrire au sujet d’une époque aussi merdique. Reste le mystère de la note C- attribuée par Robert Christgau (Prononcez Xgau !) à Wild tales qui ne cesse de me tarauder...
THE DUKE [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !]
CD1 :
01 - Illegal Smile
02 – Spanish Pipedream
03 – Hello In There
04 – Sam Stone
05 – Paradise
03 – Hello In There
04 – Sam Stone
05 – Paradise
06 – Donald And Lydia
07 – The Late John Garfield Blues
08 – Yes I Guess They Oughta Name A Drink After You
09 – The Great Compromise
10 – Sweet Revenge
11 – Please Don’t Bury Me
12 – Christmas In Prison
13 – Dear Abby [Live] 14 – Blue Umbrella
15 – Common Sense
16 – Come Back To Us Barbara Lewis Hare Krishna Beauregard
17 – Saddle In The Rain
18 – He Was In Heaven Before He Died
19 - Fish And Whistle
20 – That’s The Way That The World Goes ‘Round
21 - Bruised Orange (Chain Of Sorrow)
CD2 :
01 - Sabu Visits The Twin Cities Alone
02 - Automobile
03 - Killing The Blues
04 - Down By The Side Of The Road
05 - Living In The Future
06 - It's Happening To You
07 - Storm Windows
08 - One Red Rose
09 - Souvenirs [With Steve Goodman]
10 - Aimless Love
11 - The Oldest Baby In The World
12 - People Puttin' People Down
13 - Unwed Fathers
14 - Angel From Montgomery [Live, With Bonnie Raitt]
15 - Linda Goes To Mars
16 - Bad Boy
17 - Speed Of The Sound Of Loneliness [Live]
18 - It's A Big Old Goofy World [Live]
19 - The Sins Of Memphisto
20 - All The Best
MP3 (320 kbps) + covers
COOL 197A
COOL 197B