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lundi 8 juin 2020

JOHN PRINE ~ Great Days - The John Prine Anthology Great Days [2CD] [C. 1993]


Les rock critics véhiculent une forme de pensée unique qui me paraît dangereuse pour notre santé mentale. Lorsqu’ils se trouvent à cours d’idées, ils développent des concepts dénués de tout fondement, par exemple : "les Who ont inventé la power pop avec des riffs à base d’accords majeurs" ou bien : "les Kinks ont défini la matrice du hard rock avec le morceau You really got me"; "Keith Richards s’est enfermé dans l’open tuning de sol" ou autre perle : "Bitches brew  est un chef d’œuvre qui a donné naissance au Jazz rock"... La power pop n’était qu'un retour salutaire au rock simple et direct des sixties, une flopée de groupes essayant d’imiter les Who et consorts avec plus ou moins de talent. Mais à de rares exceptions (Nerves, Dwight Twilley band, Cars, Moon Martin), la plupart d’entre eux n’avaient ni les compositions ni les hits (My Sharona ne vaudra jamais My generation, on est tous d’accord) et Big Star n’a jamais été un groupe de power pop car eux, ils avaient les compositions et bien plus encore. L’autre jour, je discutais avec un ami d’enfance qui me conseillait d’aller confesser par télépathie avec le nouveau cyber curé du village aux motifs que j’étais en train de découvrir seulement aujourd’hui et avec plaisir la discographie de Crosby et Nash. Lorsque j’avouais piteusement que je ne possédais pas le Wild tales de Graham Nash, il m’intimait l’ordre de le commander sous 24 heures et d’aller me coucher sans manger après avoir récité trois Notre Père et deux Je vous salue Marie. Pour me défendre, je lui indiquais que le doyen des rock critics autoproclamé Robert Christgau (prononcez Xgau) dans son Consumer’s guide des seventies, n’avait attribué à cet album que la note de C- et qu’il parlait à son propos d’une certaine platitude… "Christgau ? connais pas ! Il veut dire que Wild tales est plat ? me répondit-il, et j’en restais là au risque de  briser une amitié de plus de quarante ans. C’est à la suite de cette conversation que j’appris le décès de John Prine. Dans la foulée, je m’empressais de vérifier avec un peu d’anxiété le verdict de Christgau à son sujet :
John Prine : John Prine, 1971 (Atlantic) : A
John Prine : Diamonds in the rough, 1972 (Atlantic)  : A-
John Prine : Sweet revenge, 1973 (Atlantic) : A
John Prine : Common sense, 1975 (Atlantic) : A-
Etc. Pour le surplus vous n’avez qu’à consulter le guide.
Je m’en trouvais rassuré d’autant que Christgau (prononcez Xgau !) avait attribué quatre A aux quatre premiers albums des Ramones et deux A+ (la note suprême) aux deux albums des  New York Dolls, n’écoutant que son cœur et faisant fi des réserves habituelles sur Too much too soon qui à mon humble avis est bien meilleur que le deuxième album que les Sex Pistols n’ont jamais sorti. Je dois aussi le dire au curé, je n’ai jamais bien aimé le folk (mis à part le folk anglais qui est brillant). Les  hootenanies animées par  Hamster Jovial avec Alan Stivell à la harpe celtique et  Marcel Dadi à la guitare en finger picking, ça fout les boules quand on essaye de reproduire péniblement les riffs de Ron Asheton avec une bande de lads du quartier. Mais pourquoi la power pop alors ? Eh bien parce que Prine lui, se défend en songwriting. Ce n’est pas un de ces folkeux du  Greenwich Village dont la musique ne sert souvent que de piètre support à des rengaines protestataires. John Prine avoue humblement : "je n’écris pas de la poésie, mais simplement des paroles." C’est surtout un compositeur de chansons de première catégorie suffisamment rapide pour vous torcher une pépite pendant le trajet qui sépare le club de son hôtel. Un artiste qui fut honoré par ses pairs dont Bob Dylan auquel on l’a comparé à juste titre, Johnny Cash qui le classait dans le big four de ses compositeurs favoris, Kris Kristoferson qui l’avait découvert et Paul Anka qui le fit signer chez Atlantic (le meilleur choix) pour enregistrer à Memphis dans le légendaire American Recording Studios avec la crème des session men,  le premier Long play  d’une parfaite tétralogie. John Prine est une espèce de Randy Newman rural bien qu’il soit né dans la banlieue de Chicago où il exerçait le métier de postier, un artisan chroniqueur social de la société américaine à la voix râpeuse et chaude capable de  composer les plus belles chansons du monde sur une simple progression d’accords. Il faut écouter Angel from Montgomery interprétée par Bonnie Raitt (une autre idole de Christgau) pour se rendre compte de la beauté du songwriting de John Prine. Peut être que cette brève anthologie de 41 morceaux disposés de façon chronologique vous donnera envie d’aller découvrir plus avant la discographie de John Prine qu’on ne peut résumer dans un Best of. John Prine a été emporté par le Covid-19 à l’age de 73 ans, le 7 avril dernier, et c’est peut-être mieux ainsi car on se demande ce qu’il aurait bien pu écrire au sujet d’une époque aussi merdique. Reste le mystère de la note C- attribuée par Robert Christgau (Prononcez Xgau !) à Wild tales qui ne cesse de me tarauder... 
THE DUKE [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !] 


CD1 : 
01 - Illegal Smile 
02 – Spanish Pipedream
03 – Hello In There
04 – Sam Stone
05 – Paradise 
06 – Donald And Lydia 
07 – The Late John Garfield Blues 
08 – Yes I Guess They Oughta Name A Drink After You 
09 – The Great Compromise 
10 – Sweet Revenge 
11 – Please Don’t Bury Me 
12 – Christmas In Prison 
13 – Dear Abby [Live] 
14 – Blue Umbrella
15 – Common Sense
16 – Come Back To Us Barbara Lewis Hare Krishna Beauregard
17 – Saddle In The Rain
18 – He Was In Heaven Before He Died
19 - Fish And Whistle
20 – That’s The Way That The World Goes ‘Round
21 - Bruised Orange (Chain Of Sorrow) 

CD2 :
01 - Sabu Visits The Twin Cities Alone
02 - Automobile
03 - Killing The Blues
04 - Down By The Side Of The Road
05 - Living In The Future
06 - It's Happening To You
07 - Storm Windows
08 - One Red Rose
09 - Souvenirs [With Steve Goodman]
10 - Aimless Love
11 - The Oldest Baby In The World
12 - People Puttin' People Down
13 - Unwed Fathers
14 - Angel From Montgomery [Live, With Bonnie Raitt]
15 - Linda Goes To Mars
16 - Bad Boy
17 - Speed Of The Sound Of Loneliness [Live]
18 - It's A Big Old Goofy World [Live]
19 - The Sins Of Memphisto
20 - All The Best
MP3 (320 kbps) + covers
COOL 197A 
COOL 197B