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vendredi 15 septembre 2017

JOHN COLTRANE ~ John Coltrane Plays "My Favorite Things" [HMC. 2017]



Raindrops on roses
And whiskers on kittens
Bright copper kettles and warm woolen mittens
Brown paper packages tied up with strings
These are a few of my favorite things
Cream-colored ponies and crisp apple strudels
Doorbells and sleigh bells
And schnitzel with noodles
Wild geese that fly with the moon on their wings
These are a few of my favorite things
Girls in white dresses with blue satin sashes
Snowflakes that stay on my nose and eyelashes
Silver-white winters that melt into springs
These are a few of my favorite things
When the dog bites
When the bee stings
When I'm feeling sad
I simply remember my favorite things
And then I don't feel so bad

Tout commence par une chanson aux paroles apparemment anodines (beaucoup moins lorsqu’elles sont replacées dans le cadre d’une histoire se déroulant au cours de la Seconde Guerre Mondiale et de ses prémices), composée pour la comédie musicale de Richards Rogers et Oscar Hammerstein II The Sound of music (La Mélodie du bonheur), créée à Broadway en 1959. Comme beaucoup de mélodies à succès de l’époque (enregistrée pour la première fois par Julie Andrews pour le film de Robert Wise sorti en 1965), le jazz s’en empare par la personne de John Coltrane et de son saxophone soprano, instrument alors en désuétude car associé au « jazz à papa » (celui de Sydney Bechet, par exemple). L’album My Favorite things (1961) marque les débuts du nouveau groupe de John Coltrane, avec le pianiste McCoy Tyner et le batteur Elvin Jones (il manque encore le bassiste Jimmy Garisson), soit l’une des plus belles formations que le jazz nous ait jamais offert. La pièce qui donne son titre à l’album est une interprétation modale de la mélodie. Coltrane y prolonge les innovations du Kind of blue de Miles Davis (1959), alternant modes majeurs et mineurs, et s'affranchit des grilles d'accords encore présentes chez Miles en improvisant sur de courts motifs que la rythmique répète jusqu'à ce que le soliste décide de reprendre. Je me souviens encore du choc, de la sidération même (et ce n’était encore qu’un début) et de l’émotion que furent sa première audition. Le visage du jazz en était changé pour moi et je comprenais enfin pourquoi dix ans auparavant Christian Vander, dont je découvrais la musique avec fascination, déclarait dans un entretien qu’un certain Coltrane (qui c’est celui-là ?) était son dieu en musique. Le thème et ses développements occupent treize minutes, pour à peine plus de deux pour la mélodie originale. Au festival de Newport en 1963, la nappe sonore d’Elvin Jones (incarcéré pour détention de drogue) est remplacée par la batterie crépitante de Roy Haynes, donnant un autre visage à ce chef-d’œuvre ; McCoy Tyner s’en donne à cœur joie et Coltrane étire ses interventions pour atteindre dix-sept minutes. On y entend l’urgence, l’envie de pousser les murs (pas encore de les abattre). Trois ans plus tard, les murs vacillent. Parce qu’ils « ne s'entendaient plus jouer », McCoy Tyner et Elvin Jones ont quitté le navire, qui cingle désormais toutes voiles dehors sur des mers inconnues, avec pour nouvel équipage Alice Coltrane au piano, Pharaoh Sanders aux saxophones, Rashied Ali à la batterie et le survivant Jimmy Garrison à la basse. Lors de sa tournée japonaise de 1966, la formation donne de My Favorite things une version fleuve (près d’une heure, dont une introduction à la basse d’un quart d’heure) dans laquelle surnagent des bribes du thème original ; la marmite infernale se met à bouillir, le magma (tiens donc) enfle… Quelques mois plus tard (23 avril 1967) a lieu, avec la même formation augmentée d’un percussionniste, l’éruption finale : les sismographes s’affolent, un ouragan de catégorie 5 déferle, la terre s’ouvre... Le 17 juillet 1967, quelques semaines après cet avant dernier concert, celui qui avait voulu faire de la musique un éveil et une quête spirituels est catapulté dans les étoiles, dans l’autre monde qu’il cherchait et nous a fait entrevoir. John Coltrane lives…
AREWENOTMEN? [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !]
N.B. : pour des raisons de taille de fichiers, cette compilation est composée de deux dossiers à reconstituer en un seul. Pour une meilleure écoute, une pause après les plages 3 et 4 est recommandée !


01 - My Favorite Things [Julie Andrews, ‘The Sound Of Music’, 1965]  - 2’19’’
02 - My Favorite Things ['My favorite things', 1961]  - 13’43’’
03 - My Favorite Things ['Newport 1963']  -  17’26’’
04 - My Favorite Things [‘Live in Japan’, 1966’]  -  57’18’’
05 - My Favorite Things ['The Olatunji concert', 1967]  -  34’36’’
MP3 (320 kbps) + front cover
COOL 57 A
COOL 57 B



24 commentaires:

  1. Merci, Arewenotmen?, pour ce magnifique partage. La présentation est superbe et le florilège fort enthousiasmant! On débute par une petite caresse avant de finir (totalement exténué, mais heureux) dans les transes !

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  2. J'avais ce projet en tête depuis longtemps. J'ai réalisé en le préparant qu'il concordait avec le 50è anniversaire de la "disparition" (le terme me parait particulièrement mal approprié dans son cas de John Coltrane), qui semble ne pas avoir ému grand monde (mais on s'en fout, puisque "Coltranes lives"). J'ai voulu retracer au travers d'un titre emblématique la fulgurance de la seconde partie de sa carrière (malgré leurs qualités, je ne parviens plus à écouter les enregistrements de la première). Plus de deux heures d'écoute d'une intensité souvent inouïe... c'est une épreuve, mais si heureuse, en tout cas j'espère pour certain(e)s qui tenteront l'expérience....
    Je vous invite également à écouter le très beau premier disque de la jeune et très talentueuse saxophoniste russe (mais basée en Suisse) Victoria Mozalevskaya ; rien de très révolutionnaire, mais une belle énergie combinée à la sensualité (apanage féminin ?), une très belle sonorité à la fois caressante et stimulante... une très belle découverte ! JAAZZZZZZ !!!
    VICTORIA MOZALEVSKAYA "FREEDOM TO BE YOU"
    http://www59.zippyshare.com/v/ju54MZxR/file.html

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  3. Très content que ça t'ai plu Jimmy et encore merci pour ton soutien indéfectible à tes Lustucrus !

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  4. Cette proposition tombe pile dans mes humeurs, d'autant que j'ai soif d'autre chose que de la question rock. Cela fait trois jours que je n'écoute que du Free Jazz (principalement Albert Ayler, Archie Shepp, Art Ensemble of Chicago et Cecil Taylor) et Coltrane allait pas tarder dans ma programmation.
    J'aime vraiment le côté organique du Jazz et l'intensité qu'offre le Free Jazz.
    Donc j'écouterai ça ce Week-End (ou peut-être en semaine parce qu'à la maison, cette musique n'a pas bonne presse ^-^ Je ne peux l'écouter qu'au casque ou dans ma voiture...)

    Donc un grand merci.

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    1. Pas bonne presse à la maison ? Audrey, il te faut urgemment demander l'asile musical à une puissance étrangère !

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    2. La vie est parfois bien faite... je comprends aussi qu'on ne puisse pas supporter cette musique ! Bon viquende !

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  5. Et ne manquez pas le nouvel album de Dee Dee Bridgewater !
    http://exystence.net/blog/2017/09/15/dee-dee-bridgewater-memphis-yes-im-ready-2017/

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  6. Une idée fantastique. On réalise à l'écoute des différentes versions de ce thème l'importance de John Coltrane dans l'histoire du jazz, et l'influence qu'il a encore aujourd'hui sur le jeu des saxophonistes actuels. Un autre aspect amusant de cette compilation originale, c'est que sans Coltrane, ce thème serait tombé dans l'oubli le plus profond.
    Ce n'est pas le seul exemple, Chimchimcheree (tiré de Mary Poppins de Walt Disney) a lui aussi été popularisé par Coltrane, comme Time After Time par Miles Davis et des dizaines d'autres morceaux. Bravo Arewenotmen.

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    1. La dernière version en date que je connaisse est Celle de Youn Sun Nah (sur l'album "Same girl". On y est évidemment loin du bruit et de la fureur colraniens, mais c'est délicieux...
      http://www42.zippyshare.com/v/7Pt3jf3i/file.html

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    2. Vous pouvez comme moi l'ajouter à la fin de la compilation, si vous voulez qu'elle s'achève de manière apaisée...

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    3. Et je peux vous dire qu'en concert, seule avec son petit instrument d'accompagnement, ça donne le frisson...

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  7. je préfère Monk :)
    de tous les jazzmen, Monk a ma préférence, faut pas me demander pourquoi, j'en adore d'autres, tellement d'autres en fait... mais Monk revient toujours. Alors que c'est tellement poncif, tellement lourdingue, des disques de reprises, des rééditions, des hommages, des articles explicatifs on en trouve à tous les coins de disques... ça en devient tellement navrant que dire "j'aime Monk" revient à être sûr d'avoir son ticket pour la salle "véritables amateurs de jazz" de l'enfer (oui, non mais vous n'êtes peut-être pas au courant mais la musique - même sacrée - ça se déroule en enfer). Du coup, je n'ai pas "honte" d'aimer Monk, faut pas déconner... mais j'ai toujours l'impression de dire un truisme... c'est presque pire que lorsque je dis que j'aime Miles Davis... là ça fait limite commercial Oo
    bon, pourquoi je vous parle de Monk, alors qu'il s'agit là de causer de Coltrane... parce qu'il y a quelques années ma chère et tendre (Audrey toujours, mais une autre ^^) m'avait offert l'intégrale des sessions au plugged nicked de Miles Davis... oui, vous ne voyez pas le rapport mais ça va arriver... franchement.
    je découvrais le jazz à l'époque... et bon vu la formation sur ces galettes (THE quintet ! là aussi dire ça, ça fait commercial mais franchement difficile de faire mieux) je me prenais une claque monumentale... quand soudain je me suis dit que je ne connaissais pas vraiment Coltrane.
    Ni une, ni deux... je m'offre l'intégrale Atlantic, parce que je ne connaissais que "naïma" à l'époque, que j'adorais (et encore aujourd'hui) cette compo et qu'elle était dessus. Sauf, que le jour de l'achat du dit coffret (ça va vous suivez toujours au fait ?) voilà t'y pas que l'on me prête le live au japon du même Coltrane (putainnnnnnnnnn on arrive enfin au sujet de ce post !).
    Vous imaginez le choc ?
    non ?
    ça tombe bien, moi non plus !

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    1. je n'aime toujours pas le free jazz, j'ai du mal à dire que j'aime le free jazz, déjà parce que je pense toujours à la phrase de thiéfaine (je jouais de la chasse d'eau dans un orchestre de free jazz), ensuite parce que je ne parviens pas à imaginer mieux (pire ? ^^) en terme d'émotion. Je comprends Audrey (celle qui gravite ici, pas celle qui gravite chez moi... z'êtes sûrs que vous suivez ? nan parce que sinon faut le dire hein, n'hésitez pas, je fournis la bière au besoin) qui en écoute énormément d'un coup, ça me fait pareil (je crois qu'il n'y a qu'avec Zappa que j'ai de telles périodes de boulimies).
      la version proposée par Arewenotmenbutmaybearewemoutard? (celle du live au japon donc) fut ma véritable porte d'entrée dans l'oeuvre de Coltrane.
      tout ça pour dire, que je suis ému... si si, je vous assure, ému... devant ce choix. C'est un bon choix, pour un bon artiste mais surtout je trouve ce lien "via le net" plus étincelant que beaucoup d'autres. Pouvoir, des années après, voir un tel partage avec un tel naturel... ben ça me fait plaisir :)
      parce que bon, le souci avec le jazz et les trucs "pointus" ou "hardcore" c'est qu'on trouve peu de gens avec qui en causer et que, trop souvent, les seuls que l'on dégote sont soit des "aficionados" chiants qui pontifient sur les éditions rares (or, chacun sa came mais moi je m'en fous totalement de ça ^^) soit des esthètes suffisants.
      là, la brutalité naturelle du partage me renvoie au sentiment premier de ma découverte (d'où ce message très long ^^).
      Coltrane c'est pour moi ce choc primal du jazz. je préfère Monk, mais Coltrane (plus uniquement ce live et ce morceau mais désormais toute son oeuvre, toute l'évolution de son son, du chant au cri) reste pour moi l'équivalent émotionnel d'un choc émotionnel.
      vous savez ce genre de moment où vous croisez une fille (ou un mec) dans la rue et dont le parfum (dont le nom vous échappe depuis tant de siècles) vous rappelle vos premières amours, c'est à la fois bouleversant, brutal et éphémère.

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    2. 'Utain Con' Yggdra.. rien que pour tes commentaires, je n'aurais pas regretté d'avoir commis ce billet... Moi aussi j'aime Monk (beaucoup), mais je ne le goûte pleinement qu'en solo, tout ce qui est autour me gêne). A ce propos, tu dois avoir les extraordinaires "London sessions" de 1971 (sinon,.je te les passe). Et j'imagine ton double choc frontal coltranien. Je reviendrai certainement, mais là je suis au terrain de jeux avec les filles... Merci encore

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  8. Tiens, une question bête, j'entends souvent, en matière de Jazz ou de classique, parler de "modale" et d'"atonale", quelqu'un pourrait m'expliquer ce que ça signifie (avec des mots simples)?

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  9. Pourquoi arrêter à cinq versions? Voici l'une de mes choses préférées:
    John Coltrane Quartet avec Eric Dolphy - MFT Live 1961
    http://www8.zippyshare.com/v/zL0fK3bb/file.html

    avec un magnifique solo de Dolphy sur flûte.

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    1. Merci rev.b ! Il y a aussi celle-ci en effet et j'en ai encore d'autres dans mon disque dur (Newport 1966 par exemple), mais jr ne voulais pas trop décourager l'auditeur par avance ! Avec ton ajout et ce que chacun possède, il peut y avoir maintes versions de cette compilation !

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    2. En incluant la tienne (ce que je suis très tenté de faire, car Dolphy, ce n'est pas rien), on arrive à 2h30. Mais la démesure sied bien au sujet !

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  10. Pas facile de faire simple rn effet... près articles Wikipedia ne sont pas mal faits. J'essaye... La musique tonale (typique de la musique occidentale classique par exemple) ne s'appuie que sur les modes majeur et mineur, tandis que la musique modale s'inspire de modes issus de l'antiquité grecque, des musiques orientales ou de la musique religieuse occidentale médiévale, en n'utilisant qu'un nombre limité d'acords.

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    1. La musique modale utilise aussi des intervalles différents de ceux de la gamme habituelle. Les quelques accords forment une base sur laquelle un soliste peut facilement improviser. On entend ça très bien au milieu de la version studio où la section rythmique, à laquelle est ici intégré le piano, déroule un somptueux tapis (j'adore ce passage) sur lequel Coltrane n'a plus qu'à poser les pieds pour s'envoler.

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    2. Tout cela nous rappelle que la musique tonale et sa gamme associée ne sont que les conventions les plus utilisés en Occident, rien de plus. Et que beaucoup d'autres mondes musicaux existent, pour notre plus grand bonheur.

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    3. C'est ici qu'à titre d'illustration on parle d'Ibrahim Maalouf...

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  11. Une douzaine de versions "live" ici !
    http://theultimatebootlegexperience7.blogspot.fr/search/label/John%20Coltrane

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