ARCHIVES

mardi 4 avril 2017

Pour la beauté du geste (feuilleton électrique) par Jimmy Jimi # 134


134. JANITOR OF LUNACY [NICO] 

   Il n'y a pas de hasard, le destin hurle à la mort... La vengeance, peut-être, aura fait chuter quelques fantômes de leur hamac... Des phrases qu'emporte le vent... 

   L'album s'ouvre sur Janitor of lunacy, la chanson préférée de Nico, celle qu'elle interprétait à chaque concert.
   Sur la première note de l'harmonium, « le Monstre » se retourna doucement dans son coma... « Janitor of lunacy, paralyze my infancy, petrify the empty cradle, bring hope to them and me (Cerbère de la folie, paralyse ma petite enfance, pétrifie le berceau vacant, porte-leur espoir comme à moi). » Le chien à trois têtes empeste l'odeur nauséabonde des Enfers... Et « le Monstre » ne pourra plus s'enfuir... Je revis la scène pour la millième fois : la pointe de ma bottine frappant ses testicules recroquevillées par une trouille immense... « Mortalize my memory, deceive the devil's deed (Donne la mort à ma mémoire, déjoue le fait du diable). » Comment oublier quand les sirènes de flics se compliquent aux crissements du sable qui me mord les pieds ? « Tolerate my jealousy, recognize the desperate need (Tolère ma jalousie, reconnais le besoin acharné). » Autant lancer une prière dans le désert. La cicatrice intérieure se creuse encore un peu. « Janitor of lunacy, identify my destiny, revive the living dream, forgive their begging scream (Cerbère de la folie, identifie ma destinée, ranime le rêve vivant, pardonne leur cri suppliant). » Il n'y a pas de hasard, le destin hurle à la mort... les fantômes laissent tomber leur masque sur le trottoir ensanglanté... Je ne me souviens plus des suppliques du « Monstre »... « Disease the brething grief (Invalide le chagrin haletant). » Si seulement... Il fait une chaleur à crever sur cette île déserte...

   Janitor of lunacy, ce n'est pas exactement : « Be bop a Lula, she's my babe » avec tout le respect que l'on doit à Mr. Vincent ! 

   Nico, aussi appelée : « la déesse de la lune »... D'abord modèle qui fit frémir les couvertures de Vogue, puis cover girl pour quelques pochettes de disques de jazz, bien avant qu'elle ne s'imagine en chanteuse. D'actrice dans la Dolce vita de Federico Fellini, elle deviendra l'atout charme du Velvet Underground (avec une toute petite poignée de chansons à interpréter et quelques faméliques coups de tambourin à asséner (tiens, ça me rappelle étrangement quelqu'un de connaissance !)). Nico, un trajet unique pour devenir une artiste encore plus unique dans le monde de la « pop » (avec de très larges guillemets). On connaît son admiration pour Nusrat Fateh Ali Khan (magnifique chanteur et musicien pakistanais, dont elle parla avant tout le monde), son goût pour les harmonies inspirées des folklores eurasiens, ses inclinaisons vers les troubadours courtois ou les lieder de Gustave Mahler... Quelques références qui ne manqueront pas d’effaroucher ceux qui, pourtant, ne cessaient de vanter l'originalité du Velvet Underground, mais je suppose que l'originalité à ses limites, comme la beauté, et certains jugeaient celle de Nico glaciale – des gens, certainement, capables de confondre le Pérou et le Groenland ! Heureusement, Olympia m'avait enseigné comment ne pas craindre les très belles filles.  

   L'harmonium est une drogue, il suffit d'aspirer le souffle des vents pour tournoyer tel un derviche avant de se laisser glisser vers les profondeurs de l'enchantement.

   The Falconer (Le Fauconnier) : « The falconer is sitting on his summersand at dawn unlocking flooded silvercages and with a silverdin arise all the lovely faces and the lovely silverstraces erase my empty pages (Le fauconnier est posté à l'aube sur sa plage d'été déverrouillant les cages d'argent inondés et en un tumulte argentin se lèvent tous les ravissants visages et les ravissants tracés d'argent effacent le blanc de mes pages). » Retrouver un à un les visages des fantômes et s'endormir en paix dans les draps propres des pages immaculées.
   My Only child (Mon Unique enfant) : « There are no words no ears no eyes to show them what you know (Il n'existe pas de mots ni d'oreilles ni d'yeux pour leur montrer ce que tu sais). » Eleonore, ma petite princesse, toi qui range les disques les yeux fermés, et toi qui sauve mon aventure. Je suis si heureux que tu écoutes Nico en mon absence, toi qui l'a trouvait : « trop flippante » !
   Abschied (Adieu) : « Sein köper bewegt sich nicht, im traume sich endlich sein zwingen vergisst (Son corps ne bouge pas, en rêve enfin s'oublie sa crainte) ». Dort, petit monstre, et laisse-moi rêver !  
     
   Le disque tourna et tourna encore, il tournait toujours quand le bruit des pales d'un hélicoptère vint troubler la nouvelle harmonie de l'île.  
   Mes deux obèses préférés gagnèrent la plage dans un ridicule canot pneumatique qui manqua de chavirer sous leur poids. 
   « Je sais que je suis en train de rêver, vous ne me la ferez plus ! » 
   Ils quittèrent définitivement mes songes en maugréant...

  

14 commentaires:

  1. Un bien beau texte. Vraiment.
    Au début on se dit que tu vas jouer au pocker menteur en annonçant ton programme. Balayé l'album et revenir sur la séquence de l'incident tout en remettant ton histoire présente en perspective...
    Et lorsque tu dévoiles une à une les cartes de ton jeu, on découvre celles d'un tarot divinatoire.

    Pour moi, l'un des chapitres les plus intenses que tu as écrits. La suite continuera-t-elle sur cette belle lancée? La suite au prochain numéro, mais je te préviens, je place la barre en conséquence, ne me déçois pas! ^-^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Quand je m'absente, ce n'est pas toujours pour faire la sieste! J'ai mis des semaines avant de trouver l'album qui pourrait me permettre abattre ce que j'avais en tête. Evidemment, il était sous mon nez, dans la pile de mes dix disques préférés!
      Je vais faire mon possible pour ne pas décevoir, mais c'est difficile de se maintenir au sommet!

      Supprimer
  2. Je n'avais pas idée qu'il contenait de telles paroles.
    Je trouve moi aussi cet album très beau. J'aime également qu'il soit très court. Il laisse une impression rêveuse, un peu flottante, qui fait qu'il nous hante encore dans le silence qui suit.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. La réédition où il est couplé à "Marble index" avec des bonus qui, pour une fois, ne sont pas là pour faire le nombre, est exceptionnelle. Il y a quelques années, j'ai acheté un livre avec tous les textes, et c'est en m'en souvenant que j'ai relu tout ça et trouvé que ça collait (presque étrangement) avec mon histoire.

      Supprimer
  3. un fort beau texte en guise de raison pour parler d'un fort bel album, que demander de plus ?

    je rejoins l'avis d'Audrey, sans toutefois y ajouter l'injonction qualitative ^^ (en fait, juste parce qu'elle m'a piqué l'idée, du coup je boude)

    bien écrit, donc :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour moi, toutes les occasions sont bonnes pour évoquer Nico, mais ce n'était pas le but premier, et je crois qu'elle me sert davantage que l'inverse.

      Supprimer
  4. Ah merde, c'est sans doute parce que je suis pas fan de Nico mais je comprends pas tout.
    Me rattraperai la prochaine fois. Sauf si tu parles de Patti Smith bien sûr ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pensais que tu allais écrire que tu préférais les paroles de "Be bop a Lula", je ne m'étais pas trompé de beaucoup!

      Supprimer
  5. Un peu tortueux (et torturé !), cet épisode, mais passionnant et instructif.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais la vie est souvent tortueuse et "tortureuse"!

      Supprimer
  6. The Frozen Borderline..... j'adore aussi la musique de Nico. la femme Nico, pffff.... une cover girl comme les autres en pluse totallement defonce. Les paradis aritificiels par contre l'ont beaucoup aide a faire cette musique tres originale et melancolique. Pour une fois totallement d'accord avec toi!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Eh bien, si, pour une fois, nous sommes totalement d'accord, alors, tant mieux!

      Supprimer
  7. ... quelle ambition. Tu te souviens quand tu évoquais les quotidiens de ces gamins artistes, je te parlais de bande dessinée nouvelle génération où je plaçais volontiers leur parcours. Une ligne claire, couleur pastel au dessin réaliste. Mais là... Quel haut relief.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je me souviens et, surtout, de ton attachement à la B.I.D. qui m'entraîna à modifier mes plans pour me mener jusqu'ici. Merci encore.

      Supprimer