Pour toute la
génération d'après-guerre, Sidney Bechet a incarné presque à lui
seul tout l'esprit, toute la frénésie, toute l'impertinence du jazz
de l'après Libération. Après des années d'oppression et de
privation, toute la jeunesse française se défoule sur les rythmes
de cette musique officiellement prohibée sous l'occupation
allemande. Pourtant, l'aventure
française n'est pas une première pour le néo-orléanais. Sidney
Bechet avait fait partie avec Josephine Baker de la Revue
Nègre qui a tenu résidence pendant quatre ans au Théâtre des
Champs-Elysées à partir de septembre 1925. Sidney Bechet est alors
un véritable bad boy qui a déjà un lourd bagage d'exactions en
tous genres. C'est après une bagarre à coups de pistolet où sera
blessée une passante qu'il va passer onze mois derrière les barreaux
et se voir expulsé de France. C'est assagi qu'il
revient en France en 1949. Il tourne d'abord avec l'orchestre de
Pierre Braslavsky, dont il n'existe aucun enregistrement studio. Le
Summertime (de George Gershwin) que je vous propose ici est donc
extrait d'un concert tenu Salle Pleyel. Rapidement, Bechet préfère
la fougue et la jeunesse des orchestres de Claude Luter et d'André
Reweliotty. Lutter raconte comment Bechet enfermait à clef les
membres de l'orchestre pour les obliger à répéter plutôt que se
disperser à la façon des étudiants insouciants qu'ils étaient
alors. Sous contrat avec Blue
Note, il fait de brefs séjours aux Etats-Unis où il grave des
morceaux sublimes, mais revient vite dans ce qui est devenu son pays
d'adoption. Et de cœur : en 1951, il épouse à Antibes
l'allemande Elisabeth Ziegler. En 1952, il rencontre la française
Jacqueline Péraldi, deuxième femme de sa vie. En 1959, il s'éteint à soixante-deux seulement d'un cancer du poumon. Il laisse un
fils, Daniel Sidney Bechet, âgé de cinq ans. Je ne vous apprendrais
rien à détailler le jeu de Sidney Bechet, tant il fait partie de la
mémoire collective française. Un petit détail malgré tout : Bechet, qui, avant d'adopter le saxophone soprano, a été un merveilleux
clarinettiste, ne joue plus de cet instrument quand il revient en
France. J'ai cependant tenu à vous faire écouter le très connu Pattes de mouche où il retrouve l'instrument de sa
jeunesse, en Nouvelle-Orléans, où il jouait avec ces musiciens
légendaires qu'étaient George Baquet et Buddy Bolden, qui,
rappelons-le, n'a laissé aucune trace discographique.
ZOCALO [Vous prendrez ben le temps d'un petit commentaire !]
01 - Sidney Bechet Et L'Orchestre De Claude Luter - Blues In The Cave
02 - Sidney Bechet Et L'Orchestre De Claude Luter - Down Home Rag
03 - Sammy Price’s Bluesicians - Back Home
04 - Sidney Bechet With Pierre Braslavsky And His Orchestra - Summertime
05 - Sidney Bechet And His Feetwarmers - It Had To Be You
06 - Sidney Bechet Avec L'Orchestre De Claude Luter - Pattes de mouche
07 - Sidney Bechet Avec L'Orchestre De Claude Luter - Moulin A Café
08 - Sidney Bechet And His Feetwarmers - Please Don't Talk About Me When I'm Gone
09 - Sidney Bechet Parle Avec André Coffrant - La Nuit Est Une sorcière
10 - Sidney Bechet Avec André Réwéliotty Et Son orchestre - Bonjour Paris
11 - Sidney Bechet Avec Christian Azzi - September Song
12 - Sidney Bechet Et L'Orchestre De Claude Luter - Blues In Paris
13 - Sidney Bechet Et L'Orchestre De Claude Luter - Buddy Bolden Story
14 - Sidney Bechet Et L'Orchestre De Claude Luter - Si Tu Vois Ma Mère
15 - Sidney Bechet And His All-Star Band - Out Of Nowhere
16 - Sidney Bechet All-Stars - That Old Black Magic
17 - Sammy Price’s Bluesicians - Tin Roof Blues
18 - Sidney Bechet Et L'Orchestre De Claude Luter - Lastic
19 - Sidney Bechet And His All-Star Band - American Rhythm
20 - Sidney Bechet And His All-Star Band - Bill Bailey Wont You Please Come Home
21 - Sidney Bechet Et L'Orchestre De Claude Luter - Everybody Loves My Baby
22 - Sidney Bechet Et L'Orchestre De Claude Luter - Panter Dance (aka Tiger Rag)
23 - Sidney Bechet Et Claude Luter Avec André Reweliotty Et Son Mimosa Jazz Band - Apex Blues
24 - Sidney Bechet Et L'Orchestre De Claude Luter - Temptation Rag
MP3 (320 kbps) + front cover
La qualité de la compilation comme le billet de présentation se maintiennent au top. Dommage qu'il n'y ai pas davantage de fans de jazz fréquentant la maison car ta magnifique série mériterait bien plus de compliments. En tous cas, de mon côté, je me régale.
RépondreSupprimerJe passe juste pour confirmer que maître Zocalo est un artisan acharné et que chacune de ses réalisations est un modèle du genre.
RépondreSupprimerIl pourrait être l'homme idéal, s'il n'aimait pas tant le jazz !!!!!
:-D
Je confirme la très belle qualité de tes présentations. Je dois t'avouer le fait que tu mettes tellement de soin dans tes compil' les rend presque imposante pour moi.
RépondreSupprimerEn tout cas, celle-là me donne clairement envie de la faire écouter à ma famille, ne serait-ce que pour leur apprendre un peu d'histoire.
Je ne l'ai pas encore écouté, mais je suppose que je verrai dans ma tête comme un film inédit de Woody Allen...et c'est un compliment car ses derniers sont vraiment très bons.
ça en deviendrait problématique de dire "c'est génial", parce que c'est génial et donc je ne fait qu'énoncer un fait :) mais en prime estampillé "bon client pour le jazz" ça risque de donner un cachet "compilation pour amateur uniquement"... ce qui est un peu dommage
RépondreSupprimeror, en plus du choix, il y a cette présentation (que je souhaiterais presque plus longue ^^ ) que je conseille de lire, parce qu'au détour d'une phrase on voit bien que le sidney était bien un bad boy, ça nous rappelle que la vie des jazzmen de l'époque ce n'était en gentils costumes dès le matin pour le soir aller joliment distraire le bourgeois. Il y a un aspect iconoclaste, agressif dans le jazz de l'époque (socialement et musicalement). C'est intéressant de notre point de vue français, parce qu'on adopte cette culture comme américaine, alors même qu'en amérique les mêmes artistes sont en proie à un racisme bien réel. Bref, c'est génial parce que ça contextualise très bien en peu de mots (et ça fait du bien aux oreilles)
@tous: Merci infiniment, je suis confondu par tant de compliments, je ne sais plus où me mettre. Mais revenons un peu sur terre, il ne s'agit que de compiles. Je ne fais que sélectionner quelques morceaux en espérant qu'ils toucheront ou intéresseront certains des membres de notre petit club. Quant à ta demande en mariage, Keith, laisse-moi le temps d'y réfléchir un peu, ok ?
RépondreSupprimerSidney Bechet, pas ma tasse de thé, mais on ne peut en effet une fois encore saluer l'ampleur et la qualité du travail, tant littéraire que musical !
RépondreSupprimerOn ne peut QUE saluer !
SupprimerMerci, belle initiative !
RépondreSupprimerEncore, encore ...
RépondreSupprimerLe seul problème de ces magnifiques compilations, pourrait être l’habitude, mais elle n'a pas sa place et s'efface derrière la richesse de la sélection.
Encore, encore bravo !
De la joie en barres ... même s'il y a de mélancolie aussi, c'est pour moi de la joie tout du long de cette compil'. Merci !
RépondreSupprimerJ'ai pas encore écouté mais il me parait absolument indispensable pour se mettre dans l'ambiance de lire "La rage de vivre" de Milton Mezz Mezzrow ("Really the Blues" in English). Compagnon de route de Sidney Bechet, Armstrong et tout un tas d'autres jazzmen illustres ou non qui jouaient dans les clubs de la mafia pendant la prohibition. Un récit à la 1ère personne captivant et cocasse qui vous fait vivre le Jazz de ces années-là de l'intérieur.
RépondreSupprimerhttps://www.amazon.fr/rage-vivre-Milton-Mezz-Mezzrow/dp/2283026989
Et encore bravo pour ces excellentes compiles et également pour toutes les autres découvertes ou redécouvertes de ce blog
Bolox.
J'y ajouterai "La musique c'est ma vie", de Sidney Bechet" et "Saint Germain dance", les mémoires de Claude Luter, pas Fabrice Zammarchi.
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