Proposer une lecture ou ne serait-ce qu'une présentation digne de ce nom de ce genre musicale relève presque de l'imposture, même sans tenir compte des contradictions internes.
C'est pourquoi ces quelques lignes ne proposent rien d'autres que d'égratigner la surface du sujet.
HISTOIRE
I – Introduction
D’ordinaire pour simplifier la lecture historique on place le début de la musique classique Indienne à l’arrivée du védisme en Inde, c'est-à-dire aux alentours de 1500 av JC. Cette date est (on s’en doute) sujette à caution, c’est pourquoi il est possible de s’en servir comme d’un contexte historiographique pour nous intéresser à ses fondements mythologique. Brahma, Vishnou et Shiva révélèrent la musique (La musique « descendant » de la vibration originelle qui engendra le monde Ôm) et ses secrets aux sages (les rishi) qui eux-mêmes transmirent leur savoir aux hommes. On trouve trace de cette transmission mythique, primordiale et créatrice dans des textes comme le Rigveda ou le Mahabbarata.
Le propos ici est de comprendre que le son est divin. Chaque syllabe, chaque vibration est porteuse de sens (philosophique, religieux ou même biologique). Ainsi le son et l’expérience musicale sont autant sources d’analyses complexes et détaillées, que spiritualité. Le son est essence de l’univers, écouter de la musique c’est converger vers la véritable connaissance de l’univers.
Si la parole védique influence et transforme la musique indienne, la passation orale reste au cœur de cette culture. Il y a donc un caractère sacré et immuable dans cette perception musicale, sans que les changements soient exclus.
Au départ (et toujours aujourd’hui) la parole, le chant était au cœur de la musique indienne, les premières psalmodies respectaient des rythmes récitatifs, des accentuations et des hauteurs de tons sur une seule note, puis vint le degré inférieur et le degré supérieur. Autour de ces trois notes fondamentales fut construite la gamme actuelle (avec un passage à 5 puis à 7 notes). A ce stade la récitation est accompagnée de différents instruments –à vent, à cordes ou à percussion- .
C’est le Natya Sastra (vers 400 ap JC) qui va définir (et ancrer) l’art théâtral, si une grand part traite de la danse, il y est aussi question de son, de rythme, de mesure (de grammaire et de métrique également). Le système musical mais alors en avant (de façon procédurière pourrait-on dire) les liens entre les sons, les couleurs et les dieux. Le musicien est le garant d’un savoir complexe, codifié, précis, son statut est important (il est à la croisée entre dramaturgie, théâtralité, mythologie) en cela il se doit d’être au cœur de toutes les formes artistiques.
Si la littérature sacrée dote chacun des personnages (bons ou mauvais) d’un lien à la musique, il en va de même pour la culture profane, les contes bouddhistes (Pancatantras) côtoient Krishna.
Il faudra toutefois attendre le traité Brhaddesi ( de Matanga) [dont la date d’écriture fait débat … à quelques siècles prêts] pour qu’apparaissent le mot «RAGA ». Définir la réalité –aussi bien musicologique, historique ou mystique- de ce terme prendrait tout une vie, c’est pourquoi il convient de se limiter à quelques notions basiques. Pour la première fois les notes (svara) sont formulées dans leur « totalité », c'est-à-dire qu’elles sont liées aux dieux, aux couleurs et aux sentiments ( par exemple la note SA correspond à Brhama et à la couleur pétale de lotus et au sentiment héroïque). Il classifie les ragas en trois catégories, selon leur conformité ou leur mixité par rapport à la pureté des règles d’exécution. C’est ce système qui permettra (notamment au XIIIième siècle) de reprendre et de commenter les œuvres antérieures pour les classifier et étendre leurs possibilités.
II – Séparation
Bien évidemment cette vision globale ne rend pas compte de la diversité des particularismes, des artistes, des croyances de toutes les régions de l’Inde d’alors. Pourtant, cette diversité va subir un grand bouleversement au moment de l’invasion du pays. Au XII/XIV ième siècle le pays fut colonisé par les Moghols, dès lors le nord (partie la plus colonisée) et le sud (la moins colonisée) se séparèrent significativement en terme d’esthétisme et de pratique musicale.
III – Musique Indienne Carnatique.
Le sud reste attaché aux fondements d’origines de la musique indienne, elle reste tournée vers le religieux et vers l’importance d’une transmission orale (rendant la mémorisation omniprésente). Il faudra attendre le XVième siècle et Purandara Das pour que la musique carnatique développe sa propre identité. Il va « unifier » la théorie et la pratique musicale autour des modes (ragas), des textes (sahitya) et des rythmes (talas) en s’attachant à mettre au point une méthode d’apprentissage, à injecter des thématiques sociales dans ses œuvres et à élargir le champ émotionnel des ragas. Ce mouvement remet également la spiritualité au centre de la pratique musicale (en opposition à la pratique du nord), provoquer un sentiment de dévotion (bkakti) devient l’un des points d’appuie les plus forts de la musique carnatique.
A la suite de cette vision la classification des ragas en un schéma de 72 variations (melakarta) date de cette période. Cette classification est –comme aux origines- une vision à la fois scientifique et mystique, elle permet de respecte une codification précise tout autant que de créer de nouvelles pièces. Un expansion de chant et de musique dévotionnelles date de cette période (on notera le krishna lila tarangini, forme d’opéra en sanskrit mettant en avant l’épopée de krishna, et dont l’impact est à la fois musical, littéraire et spirituel).
Au XVIIIième siècle Tyagaraja, Muttuswami Dikshitar et Syama Sastri trois compositeurs font transformés « définitivement » la couleur de la musique carnatique. Avant eux la musique était réservé à une élite et aux pratiques religieuses [on notera que le système des castes empêchait certains d’assister aux cérémonies religieuses]. Ils apportèrent une dimension spirituelle encore plus forte car emprunt d’un symbolisme très fort à la fois accessible à tous et ésotérique, une utilisation des tala (rythmes) plus complexes car plus tournés vers la mélodie, des variations mélodiques offrant des variations émotionnelles révolutionnaires, un renforcement des propos satiriques ou sociaux et une clarté du propos. Tous ces éléments –ainsi que l’ajout du violon au début du XIXième- vont finir de former la musique carnatique, accessible à tous et toujours proche des cérémonies, des rites et des temples.
III – Musique Indienne Hindoustani
La colonisation du nord de l’inde (et des régions adjacentes) va transformer considérablement la forme musicale. La forme canonique était, jusque là, religieuse. Si une grande part de son exécution était dédiée à l’improvisation, elle se déroulait dans des temples lors de cérémonies ou de rituels précis. La musique était codifiée. Au fil du temps se crée un syncrétisme indou-mulsulman qui va faire des chefs religieux des chefs de guerre, des temples des citadelles. Dès lors la musique ne sera plus une musique de cérémonie mais une musique de cour. Le khyal va alors se développer. Devant jouer pour une cour, durant des temps impossibles à déterminer à l’avance, dans un contexte ou la vélocité, la dextérité et la virtuosité prennent une place plus grande. La musique va s’adapter en laissant plus de place à l’imagination, c'est-à-dire à l’improvisation.
Des chants courts font office de thèmes que l’on peut répéter (comme des refrains) à partir desquels il va être possible d’improviser à loisir. Les morceaux se décompensent en trois moments, le premier est l’exposition du raga choisit (cette période est courte dans le cas de raga chanté et assez longue dans le cas d’un raga instrumental), ensuite on voit l’introduction, tout d’abord lente puis en accélérant de percussions (des tablas le plus souvent) et, donc, de cycles rythmiques. La courte durée de thèmes laissant la part belle aux improvisations. Ces ornementations constantes (ou presque) donnent au raga une couleur qui oscille entre la « transe d’arrière fond sonore » qui égaie et flatte une cour, et des prouesses musicales captant l’attention de tout l’auditoire.
La couleur des ragas, le sens des notes à profondément changés, quittant peu à peu la sphère du mystique pour se parer d’atours plus en conformités avec les attentes de musique d’ornementation. On notera l’ajout de certaines cordes sur les instruments, ainsi qu’une augmentation de leur taille dans le but de pouvoir être entendu au sein d’une cour.
Face au rajah, le musicien se doit de plaire. La musique va se parer d’atouts charmants et charmeurs. Les émotions vont prendre une place de premier plan, avec force dramaturgie et sensualité, reléguant à l’arrière plan les considérations religieuses et spirituelles. La musique hindoustani se caractérise par l’emploi d’ornements plus marqués – avec parfois des chapelets de notes pour accentuer un instant ou par l’utilisation d’arabesques-.
IV – Actuelle.
SI les années 60 ont permis l’expansion de la musique Indienne, il s’agit bien souvent d’une musique Indienne du nord (part le biais de la figure tutélaire de Ravi Shankar, de ses collaborations avec des artistes occidentaux et du fait de l’utilisation ci et là [parfois pour sonner « musique du monde » parfois de fort belle manière] du sitar et des tablas). Ceux sont ces sonorités que l’on identifie (à tort) comme représentatives de la musique Indienne.
On notera que l’essor du cinéma indien a vu la naissance d’une pop indienne, qui n’a que peu à voir avec la musique classique indienne (du nord ou du sud) et qui se situe aux frontières de différents styles, mais bien loin des cérémonies et canons religieux.
MUSIQUE
I – Généralités
La musique classique indienne est avant tout une musique basée sur la mélodie et non –comme en occident- sur l’harmonie. En ce sens, la note n’est pas perçue comme faisant partie d’un « groupe », d’un accord, mais comme une individualité. Une note à un sens –musical, philosophique, spirituel- au sein de cette individualité, mais elle a également un sens par rapport à une tonique fixe (le tampura est un instrument dédié au maintien en pédale ou à la répétition de cette tonique pour constamment rappeler le contexte, le sens, la direction, la couleur d’un morceau) de départ. Ainsi la mélodie s’enrichie au fil de sa progression, de ses ornementations, de ses développements, de ses enrichissements.
Du nord ou du sud la musique classique indienne, se base sur des schémas complexes et réglés avec précision, tout autant que sur des improvisations (plus importantes au nord que sud). Le tout (improvisation comprise) tournant autour de cycles rythmiques complexes.
Cette musique modale est divisée en une échelle de 7 degrés, l’intervalle entre les sons se mesure en shruti. Une octave se compose de 22 shruti (ce qui en fait une unité plus grande qu’un quart de ton). Bien qu’étant une science, cette musique se « découpe » selon un système auditif (et non mathématique). Ce système fait de plus la distinction entre la note centrale du mode, les consonances (9 et 13 shruti/ quartes et quintes) et les dissonances ( 2 ou 20 shruti/ secondes et septièmes) et les assonances. Les degrés servent de notes de départs pour les 7 « modes purs » qui, placés à côtés des 11 « modes mixtes » forment la base des ragas (bien qu’un raga dépende également du nombre de degré de la gamme utilisé ( 5,6, 7 etc) de l’ambitus de la mélodie, de la note de départ, de la note centrale, de la note finale etc… ce qui en complexifie les variations d’autant). Pour être complet ici il faudrait parler de l’échelle musicale, des sapta svara, des douze svarasthana et d’autres choses encore mais cela dépasse de loin mes (très) maigres connaissances.
En sus le rythme est lui aussi modal. Le rythme védique (3 valeurs) s’est lié au rythme de la danse (2 valeurs plus brèves) pour former le rythme actuel. Les temps se composent de cycles de quelques mesures qui se répètent. Les cycles pouvant se superposés (main droite et main gauche jouant un rythme et sa variation tandis que la mélodie peut en former une troisième composante) la polyrythmie ainsi obtenue est considérée comme la plus savante du monde.
II – Raga
Le raga indien partage des éléments communs au maqâm ou au dastgah arabe, au plaint-chant, au mode grec ou encore au mode vietnamien.
L’harmonie et le contrepoint occidental en son absent, on « perd » ainsi (pour un occidental) une forme de verticalité musicale avec une impression de dépouillement. La subtilité musicale se place donc essentiellement dans le traitement mélodique (poussé à un point extrème). La note unique prend ici tout son sens, elle suit en ça la volonté hindoue de « linéarité » de la quête spirituelle. L’harmonie existe dans la liaison mélodique entre les notes, sur le pourquoi de ce lien avec la note précédente et sur le pourquoi de ce lien avec la note suivante.
On note également une absence de modulation, la tonalité de base (choisie par le musicien) n’évolue pas au cours du raga. Toutefois chaque œuvre suppose une traitement des notes, du contextes, des émotions évoluant à chaque interprétation. Il faut, pour apprécier pleinement cette musique, se placer dans une écoute linéaire, dans une attention portée à la fois sur la note pris dans son individualité et dans son rapport à la tonique.
En sanskrit raga signifie « couleur ». Dès son instauration au VIIIième siècle ce terme désigne les modes musicaux, ce qui englobe l’esprit du musicien et des auditeurs, selon l’une des neufs émotions principales ( navarasa) le tout dans un esprit esthétique. Différentes classifications des ragas existent en fonction du nombre de degrés, de leur filiation, du moment de la journée durant lequel il est conseillé de l’interprété. De plus chaque raga possède un nom pouvant être en lien avec son origine géographie, religieuse, historique. Sans compter que les différentes classifications ont également influencées certains changements de noms.
Définir un Raga, reviendrait à en cerner une forme établie, limitée, or en inde le raga est considéré comme une entité individuelle et vivante. Chacun peut être déterminé en fonction de ses notes, ses ornements, ses combinaisons, le moment de la journée, les sentiments qu’il induit. Tout ceci (et bien plus encore) ne prenant bien évidement sens et vie qu’au moment où l’artiste l’interprète.
Outre des caractères techniques complexes, le raga correspond également à une palette émotionnelle. En ce sens, même si pour des raisons techniques la tradition se perd, un raga Kalagada c’est-à-dire « avant le lever du soleil » devrait se jouer à cet instant de la journée car l’émotion qui lui est liée serait en accord avec la musique et il en va de même avec la majorité des ragas. Outre ces instants plus ou moins propices à l’exécution des ragas, fut codifié très tôt le rasa. Le Rasa peut être considéré comme une émotion fondamentale, il existe les navarasa c'est-à-dire les neuf émotions fondamentales (amour/ sentiment érotique, douleur/compassion, colère, courage/héroïsme, émerveillement/surprise, dégout, peur, rire/humour, pais/sérénité) on aurait aussi tendance à y ajouter bhakti : la dévotion et le gana rasa : l’émotion musicale.
Un raga peut être porteur de plusieurs émotions. Son « effet » dépend des notes, de leur fréquence, de la nature de la dominante, des relations entre les notes, du tempo d’interprétation, de la tessiture, du texte ; autant d’éléments qui peuvent jouer sur la composition émotionnelle d’un raga. Toutefois la première « phrase » d’un raga donne sa tonalité émotionnelle fondamentale (primaire pourrait-on dire, sa couleur dominante). On notera également que si un rage possède « une » seule émotion, il est tout à fait possible d’influer sur la puissance de cette dernière.
Si le raga peut être chargé d’un pouvoir mystique voire miraculeux, c’est le souffle de vie (prana) dont le musicien a la responsabilité qui va animer les notes (et, donc, le raga en son entier), qui va leur faire prendre vie et prendre sens. Il ne faut pas concevoir ce souffle comme une fonction purement pratique, comme le fait d’exécuter une note mécaniquement, c’est, bien au contraire, faire exister la note selon les multiples possibilités du vivant.
Les subtiles changements de l’exécution d’un morceau, la personnalité d’un rage, d’un musicien, d’une interprétation dépendent des gamaka c'est-à-dire des « manipulations » qu’un musicien peut apporter à l’exécution d’une note. C’est par ce mouvement jouant à la fois sur l’individualité de chaque note et assurant en même temps la cohésion de l’ensemble, que le musicien va faire vivre le raga. Le gamaka est un mouvement, c’est le passage progressif d’une note à une autre et l’anticipation directrice du morceau. Entre glissement ascendant ou descendant, oscillation, accentuation etc, il existe une multitude de gamaka qui furent différemment classifiés au fil des époques. Si aujourd’hui on a pour habitude d’en catégoriser une dizaine, ce décompte est loin d’être une forme figée. Comme ils « garantissent » l’âme d’un morceau lors de son exécution, il existe bien évidemment des différences entre les instrumentistes, mais surtout cataloguer définitivement les gamaka reviendrait à en retirer la sève intuitive pour les réduire à un apprentissage répétitif, alors même qu’ils sont la magie – belle, envoutante, spirituelle et esthétique- d’un raga.
Les notes et leurs exécutions (svara et gamaka) sont combinés – pour ainsi dire- en phrases, phrases qui elles mêmes se combineront en groupe de phrases. Autant de « motifs » pouvant correspondre à un motif plus ou moins « pure » de raga, mais caractérisant surtout la structure d’un raga, permettant les improvisations. Ces phrases sont en quelque sorte la « grammaire » des raga.
III – Rythme (tala)
La métrique des versets sanskrits semble avoir fortement influencée le rythme des raga. En ce sens on peut concevoir le tala comme l’équivalent de la métrique pour la musique. Ce terme désigne littéralement la paume de la main, il sert à désigner la façon dont on marque un rythme en frappant des mains. Par la suite –jusqu’à aujourd’hui – il a désigné les cycles rythmiques de la musique classique, ainsi la fin d’un tala correspond à son recommencement. Là aussi les classifications se sont succédées, et on a pour habitude d’utiliser des « cellules rythmiques (anga ) » plus ou moins longues et complexes. Certains sont utilisés plus fréquemment que d’autres, et d’autres sont utilisés aussi bien dans la musique carnatique que dans l’hindoustanie. On compte des tala à plusieurs temps, les plus populaires semblant être ceux à huit temps. De plus la durée d’un temps n’est pas figée, elle dépend du musicien. Ainsi dans un tala, chaque temps peut être subdivisé.
Il ne faut pas négliger non plus qu’à la manière de la tonique tenue tout au long d’un morceau, la musique carnatique (surtout) mais en avant la régularité du tempo, les changements de vitesse d’exécution sont relatifs ils doivent toujours se référer à la base définie au départ.
IV – Transmission
Lorsqu’on parle de culture orale, il ne faut pas garder à l’esprit une forme occidentale. La relation entre un maître (guru) et son disciple ( sishya) dépasse une simple perspective musicale. L’immersion est totale puisque le maître accueil le disciple chez lui, l’enseignement pouvant avoir lieu à n’importe quel moment de la journée. L’assimilation de la musique n’est pas l’assimilation d’un système de notation mais des ornementations, des nuances. Le premier principe est bien celui de l’imitation et de la répétition. De plus chaque musicien, qu’il soit ou non instrumentiste, devra commencer son enseignement par la pratique de la musique vocale. Reste qu’il ne s’agit pas d’une succession d’exercices répétitifs pendant des années, l’écoute, l’attention, la réceptivité sont des données fondamentales de l’apprentissage (ne serait-ce que dans le cadre de l’accompagnement afin de pouvoir suivre, devancer l’approche du soliste). Mais, plus encore dans la musique carnatique qu’hindoustani, la pratique musicale et son enseignement sont considérés comme un yoga. C'est-à-dire une technique permettant l’union de l’individu à l’univers.
Il faut bien saisir que l’obéissance au maître, son écoute, est une perte de l’individu, de sa superficialité dans l’humilité et la rigueur que requiert la musique, tout autant qu’un moyen de trouver sa place – son essence- par la pratique. Il s’agit donc d’un lien et d’une discipline spirituelle. Il s’agit d’intérioriser la musique, de trouver l’équilibre de l’instant.
L’apprentissage est divisé en plusieurs étapes, pouvant s’étaler sur plusieurs années et en soit l’apprentissage dure toute une vie.
V – Improvisation.
Au-delà des règles et classement inhérentes à la musique classique indienne (du nord ou du sud) une part importante est laissée à l’improvisation. Elle existe sous différentes formes mais toujours elle doit sublimer la profondeur du raga. Dès le départ le processus d’apprentissage prend en compte l’importance de l’improvisation en lui offrant le plus important des cadeaux : un cadre.
Ce cadre permet au musicien de ne pas perdre de vue que son improvisation doit être le mouvement vital du raga, c’est ce qui doit assurer son particularisme au moment de l’exécution. Ainsi le musicien ne doit pas laisser s’exprimer ses émotions propres, ou plutôt elles doivent être en adéquation avec celles imposées par le raga. La technique et l’imagination du musicien visent à toucher l’universalité. Cette dernière peut être qualifiée de ravissement esthétique au nord et de spirituelle au sud. Mais il faut bien comprendre que la grande part de liberté offerte dans l’hindoustani ne délivre pas le musicien de ses obligations.
Cette vision d’un son constamment en mouvement, peut être rapprochée du jazz, en ce que si des formes canoniques (ne serait-ce que par le biais d’une grille d’accords) existent, elles sont autant de contraintes qui permettent le partage de la musique entre musicien et des musiciens à l’auditoire.
De plus il existe différentes formes d’improvisations. Chacune étant considérée comme une structure possible, une inflexion que le musicien peut choisir de suivre pour colorer son approche. A aucun moment il ne doit s’agir d’aller dans le sens de figures trop apprises par cœur ou trop répétitives. Il existe ainsi des improvisations dans l’introduction d’un raga, suite à l’exposition de son thème ou dans sa mélodie. Cette perception toujours liée à l’émotion explique sans doute pourquoi il est encore aujourd’hui possible de voir des musiciens n’ayant pas répétés au préalable décidé de l’exécution d’un raga une fois sur scène, tout étant fonction de l’instant, tout devant former un ensemble cohérent et harmonieux.
par Wu wei le 23.03.13 17:27
INSTRUMENTS ET ARTISTES
I – Généralité
Dès le début de l’histoire musicale indienne (écrite) les instruments nécessaires à son exécution sont étudiés et classifiés. En plus de la scission entre le nord et le sud qui a influencé les pratiques, les choix, l’esthétique, la lutherie des instruments ; il faut savoir que de nombreux instruments furent délaissés au fil des siècles, en faire un compte rendu exhaustif serait une tâche énorme (passionnante mais ce n’est pas le propos ici).
On distingue généralement :
- Les cordophones –instruments à cordes : Tata vadya
- Les aérophones – instruments à vent : Sushira vadya
- Les membranophones – percussions du groupe des tambours : Avanaddha vadya
- Les autophones – percussions « solides » type cymbales : ghana vadya.
Si l’utilisation du jalatarangam (instrument à eau) semble disparaître on notera que ces dernières décennies la musique classique indienne s’est enrichie de mandoline, de guitare, de clarinette ou de saxophone.
II – Instruments à cordes
. La tampura
Présent dans la musique carnatique et hindoustani, cet instrument est un luth au long manche creux dépourvu de frettes – dans la musique hindoustani la caisse est une calebasse et le manche est plus court.
Il possède quatre cordes qui seront pincées de façon rapide et réitérée afin de créer un bourdonnement harmonique de soutient. Le musicien accord son instrument en fonction de la tonique de base. Les cordes donnant également la tonique supérieure, la quinte et la tonique inférieure. Un fil de soie peut être utilisé afin d’accentuer les vibrations et les harmoniques.
Son rôle est essentiel puisqu’il permet de toujours percevoir la couleur du raga, et de montrer qu’en plus de l’interaction des notes entre elles, il existe une relation constante avec le bourdon. C’est cet instrument qui emplie l’espace et permet de le redéfinir musicalement.
. La vina
Attribut de la déesse sarasvati (des arts) il s’agit du principal instrument soliste dans la musique carnatique. Il s’agit d’un grand luth au manche pourvu de frettes. Il ressemble au sitar mais leur utilisation comme leur sonorité diffèrent grandement. Il est composé de sept cordes métalliques que l’on pince. Quatre cordes mélodiques sur le dessus du manche et de trois cordes rythmiques fixées sur le côté. En général sa tête est sculpté en référence à un monstre mythologique (yali). Un résonateur est fixé sous le manche facilitant la tenue horizontale de l’instrument.
L’articulation musicale s’opère en pinçant les cordes mélodiques vers le bas et les cordes rythmiques vers le haut, il s’agit de l’instrument soliste de prédilection de la musique carnatique, car il est supposé construire à merveille l’espace mélodique et rendre un panel de subtilité proche de la dévotion.
. Sitar (article wikipédia)
Il s’agit de l’instrument le plus représentatif de la musique hindoustani (le plus connu en tous les cas).
Composé d'une caisse de résonance hémisphérique en gourde (tumba) et d'un large manche creux (taillé dans du tun ou du teck), muni de frettes courbes et amovibles, sur l'arrière duquel est fixé un petit résonateur en bois, le sitar est un luth complexe. De multiples influences lui ont ajouté les cordes de bourdons rythmiques cikârî, comme sur le bîn, puis des cordes sympathiques. Il dispose de deux chevalets plats, permettant le buzz caractéristique (jawari) des instruments indiens. Le principal, sur pied, est situé au-dessus de l'autre et porte les cordes de jeu et de bourdon, tandis que le plus petit porte les cordes sympathiques. Enfin, c'est un instrument très décoré, par des appliques d'os ou d'ivoire sur le manche, et des bas-reliefs sur les résonateurs. Des petites perles permettent aussi un accord fin.
Les cordes non sympathiques se répartissent en 2 à 4 cordes de jeu et 2 à 4 cordes de bourdon, soit de 6 à 8 cordes en tout. La présence ou non de cordes de jeu graves distingue deux principaux types de sitar.
(en) Ratna Rahimat Khan fit évoluer la forme générale de l'instrument, adaptant des résonateurs en calebasse plus gros que d'accoutumée et des cordes plus graves qui lui permettaient des âlâps plus proches de ceux joués sur le bîn, instrument plus grave.
Ce type de sitar comporte :
• 13 cordes sympathiques accordées selon les notes du râga.
• 4 cordes de jeu, dont 3 cordes de jeu (MA SA PA) accordées pour permettre le jeu sur trois octaves, et une quatrième qui permet des effets sur une quatrième octave basse (kharaj).
• 3 cordes de bourdon rythmique (cikârî).
C'est l'instrument joué par Ravi Shankar.
Ustad Imdad Khan a développé un sitar plus petit, conçu pour la virtuosité. Il n'atteint plus l'octave basse (kharaj) et il ne dispose que de 11 cordes sympathiques. Il comporte 2 cordes de jeu (MA SA) et quatre cikârî.
C'est l'instrument joué par Vilayat Khan.
Vilayat Khan (1927-2004)
Grand musicien et visionnaire, Ustad Vilayat Khan compte parmi les artistes indiens majeurs du XXème siècle. Sa contribution au sitar s'exerça dans les domaines tant technique qu'artistique. Capable de jouer à la vitesse inégalée de 16 notes par seconde, il s'appliqua à donner au sitar un style chantant, avec toutes les nuances de la voix humaine, n'hésitant pas pour cela à apporter certaines transformations à l'instrument.
Ravi Shankar
Pandit Ravi Shankar, sitariste virtuose légendaire, également compositeur et enseignant, fut durant des décennies l'ambassadeur de la musique indienne en Occident. Né en 1920, il fut d'abord membre de la troupe de danse de son frère Uday Shankar. Il composa des oeuvres pour Yehudi Menuhin ou Jean-Pierre Rampal, des concertos pour sitar et orchestre, ainsi que des musiques de films, notamment pour Satyajit Ray. Sa collaboration avec George Harrison, des Beatles, le rendit immensément populaire, et le consacra comme un des pères spirituels de la World music. Il enseigne à l'Institut Ravi Shankar (RIMPA) qu'il créa à New Delhi. Père de Norah Jones et de la sitariste Anoushka Shankar, il obtient en 1999 le Bharath Rathna, la plus haute récompense en Inde.
Budhaditya Mukherjee
Né en 1956, Budhaditya Mukherjee est un des sitaristes les plus talentueux de la nouvelle génération. Après des études brillantes en ingénierie métallurgique, il décide de se consacrer entièrement à la musique. Alliant virtuosité technique et profondeur de sentiment, il a donné un très grand nombre de récitals en Inde et dans 26 autres pays du monde. Il fut en outre le premier musicien à jouer, en 1990, à la Chambre des communes à Londres.
Anoushka Shankar
Anoushka Shankar commença l'étude du sitar à l'âge de 9 ans, avec son père Ravi Shankar, et débuta sur scène à 13 ans. Née à Londres en 1981, elle vit aujourd'hui entre l'Europe et New Delhi. Très active, elle a dirigé un orchestre à 19 ans, écrit un livre sur son maître de père, et joué dans un film. Elle a interprété certaines compositions de son père, notamment avec le violoncelliste Rostropovich, et a partagé la scène avec Eric Clapton, Nina Simone, Herbie Hancock, ou Peter Gabriel. Egalement compositrice, elle donne des récitals sur tous les continents, démontrant un formidable talent et une compréhension de la tradition musicale indienne qui la rend toute disposée à perpétuer l'héritage artistique de Ravi Shankar.
. Sarod
Cet instrument très ancien - on en a retrouvé des représentations datant du 1er siècle de notre ère - est construit d’une seule pièce de tek, sa caisse de résonance est recouverte de peau et ses 10 cordes métalliques sont grattées à l’aide d’un plectrum en noix de coco. Il possède aussi 15 cordes sympathiques mais n’a pas de frettes. Il a évolué au fil des siècles pour atteindre sa forme actuelle. Le son du sarod est plus chaud que celui du sitar.
Ustad Amjad Ali Khan, surnommé "sarod samrat" (empereur du sarod), compte parmi les maîtres les plus prodigieux de la musique indienne. Né en 1945 à Gwalior, il est l'héritier d'une tradition familiale qui couvre six générations. Il fut un grand novateur, créant de nouveaux râgas, et composant une pièce pour l'Orchestre Philharmonique de Hong Kong. Son aura est telle qu'il est le premier musicien hindoustani à avoir joué au lieu saint carnatique de Thiruvaiyur, en honneur au compositeur Tyagaraja. Habitué aux grandes salles et aux tournées internationales, couvert d'honneurs et de doctorats honorifiques, ambassadeur de l'Unicef, il fonda en 1977 une société qui organise des festivals en Inde, et transforma sa maison familiale de Gwalior en une "Maison du Sarod", un centre d'enseignement et un musée à sa famille et au sarod.
. le Gottuvadyam.
Ressemble à la vina (parfois appelé la chitra vina en raison de cette ressemblance). Il ne possède pas de frette et surtout il possède une vingtaine de cordes, 5 mélodiques, 12 sympathiques et 3 rythmiques. Une baguette cylindrique de bois ( kottu) est utilisée pour presser les cordes sur le manche. Posé horizontalement la main gauche utilise le kottu tendu que la main droite pince les cordes.
. Le violon
Arrivé aux environs du XVIIIième siècle cet instrument c’est très vite immergé dans la musique indienne. Il est désormais présent dans la majorité des concerts –ce qui illustre son importance. C’est à la fois son accordage (la seconde corde est accordée sur la tonique utilisée par le soliste, la première à la quinte supérieur, la troisième sur la quinte inférieur et la quatrième sur la tonique à l’octave inférieure) qui diffère du violon occidental, mais également sa tenue. Le musicien étant assis il le maintient entre l’épaule et la cheville.
T.N. Krishnan
Le professeur T.N. Krishnan fut pendant des décennies le plus grand violoniste indien. Né en 1928 au Kérala, dans une famille de musicien, il eut comme maître le très célèbre chanteur vocal Sri Srinivasa Iyer. Il donna son premier concert à l'âge de 8 ans et se produisit à la All India Radio à l'âge de dix ans. Il accompagna nombre des plus grands vocalistes de la musique carnatique et fut également un soliste brillant, jouant parfois avec sa fille ou son fils.
III- percussions
. Mridangam (mrdangam)
Est un grand tambour à deux peaux présent dans tous les concerts de musique carnatique. Le corps est fait d’un seul bloc laissant deux ouvertures différentes. Des lanières de cuirs permettent d’accorder l’instrument sur la tonique utilisée par le chanteur ou le musicien. La face la plus petite est utilisée pour les harmoniques et les sonorités aigües, la face la plus grande pour les basses. Un instrumentiste se sert de plusieurs instruments tous accordés en fonction de ton (et demi ton) utilisé pour le raga choisit.
Le joueur utilise chaque doigt des deux mains, chacun des doigts et associé à une syllabe, ainsi l’apprentissage de cette instrument peut être assimilé à celui d’un langage.
. Tablâ
Percussions de la musique Indienne par Excellence, ils accompagnent la musique chantée ou jouée particulièrement en Inde du Nord. Composés de deux petits tambours, dont celui de droite est accordé sur la dominante ou la sous-dominante et celui de gauche sur la tonique, il se frappe aussi bien avec la paume de la main qu’avec les bouts des doigts, créant une grande variation dans les sons. Les passages solistes réclament une très grande virtuosité. On peut le considérer comme un Mridangam « coupé en deux », qui aurait ainsi évolué pour s’adapté aux subtilités de l’Inde du nord.
Zakhir Hussain
Né en 1951, Ustad Zakhir Hussain est le joueur de tabla le plus réputé au monde. En dehors de son exceptionnel talent, il contribua à rapprocher les traditions carnatique et hindoustani, ainsi que celles de l'Orient et de l'Occident. Il fut à 19 ans l'accompagnateur de Ravi Shankar. On ne compte plus ses initiatives : des collaborations avec George Harrison ou Van Morrison, la création de l'ensemble "Shakti" avec le guitariste John McLaughlin, ainsi qu'un violoniste et un joueur de ghatam indiens, des musiques de films comme "Apocalyse Now" ou "Little Buddha", et l'arrangement de la musique d'ouverture des jeux Olympiques d'Atlanta en 1996. Il fonda en 1992 le label "Moment Records".
. Ghattam
C’est un pot de terre cuite de deux cm d’épaisseur. Le joueur utilise la paume et les côtés de la main, ainsi que les articulations des phalanges. Il modifie la résonnance en appuyant l’instrument sur son ventre, influant ainsi sur les basses et la tonalité. Il utilise le même vocabulaire que le Mridangam.
. Kanjira
Petit tambourin fait de peau de lézard et de cymbales.
.Moorsing.
Sorte de guimbarde, le résonateur est la bouche de l’instrumentiste qui fait vibrer une languette métallique rythmiquement.
IV – Instruments à vent
. La flute
Instrument populaire liée au dieu krishna son incorporation dans la musique classique s’est faite tardivement. C’est sa longueur qui détermine sa tonalité, elle est généralement en bambou et composée de 7 à 8 trous. C’est un instrument de soliste mais également d’accompagnement notamment pour la danse.
Hariprasad Chaurasia
Pandit Hariprasad Chaurasia est un des instrumentistes qui a le plus popularisé la musique indienne en Occident. Né en 1938, il est considéré aujourd'hui comme le plus grand maître flûtiste vivant. Jouissant d'une énorme popularité internationale, il a joué avec Yehudi Menuhin et Jean-Pierre Rampal. Il fit également de gros efforts pour populariser la musique classique en Inde, grâce à une connaissance musicale qui comprend les musiques folklorique et de films. Enseignant sérieux, il a contribué à une meilleure reconnaissance de la flûte comme instrument de scène classique, et a également enregistré pour le livre "The Raga Guide".
Shashank
Né en 1978, Shashank est un jeune joueur de flûte de tradition carnatique . Elève prodige, on dit qu'il commença l'étude de la musique à l'âge de neuf mois, avant même de savoir parler. D'abord initié à la musique vocale, il choisit la flûte comme son instrument à l'âge de six ans, et fit ses débuts de concertiste à douze ans. Fort d'une grande notoriété, il a joué dans de très nombreux pays du monde, offrant une musique attractive et enthousiasmante, entre grande virtuosité et passages plus méditatifs.
. nagesvaram
De part sa puissance, c’est souvent un instrument d’extérieur. Son ancienneté lui confère un poids particulier au sein des cérémonies religieuses. Composé d’anche double il est proche du hautbois, il semble être de plus en plus utilisé comme instrument soliste.
. Harmonium
Instrument de musique à clavier et à soufflerie, l’harmonium a été inventé en France au XIXe siècle puis importé en Inde. Toutefois l’harmonium à pédales disparaît rapidement car inadapté à la culture sociale puisqu’on s’assoit par terre en Inde, et à la culture musicale (pas d’accord harmonique dans la musique indienne). Les pédales sont remplacées par un soufflet (similaire à celui de accordéon) et l’instrument fut posé par terre, le musicien l’actionnant de la main gauche tandis qu’il joue la mélodie de la droite. C’est un instrument encore très employé dans beaucoup de genres de musique hindoustani, en particulier dans les chants qawwalîs et les bhajans, ainsi que dans beaucoup d’églises ou d’écoles ou d’ashrams. L’harmonium est en passe de devenir un instrument «majeur» puisque c’est lui qui donne le ton aux autres, dans les petits ensembles. D’un simple d’accompagnement, il a remplacé le sarangi, car juste et proche des inflexions de la voix.
. la voix
La voix est un véritable instrument en Inde, et est d'ailleurs le plus souvent utilisée comme telle. Le chant et la voix sont les supports exclusifs de l'enseignement musical qui est imparti dans les anciens traités musicaux comme le Gîtâlamkâra. Ce passage éloquent nous fait la démonstration que la voix était déjà, il y a deux mille ans en Inde, très sérieusement considérée : "Les experts louent, comme un maître-musicien, celui dont la voix est émouvante et naturelle, qui est expert dans les attaques et les finales, connaissant les modes principaux (râga) et leurs variations, les modes populaires, les modes théoriques et les modes secondaires, exercé dans les styles de développement chanté, habile dans les divers adagios, brillant et à l'aise dans les ornements, dans les diverses octaves, maître de sa voix, comprenant le rythme, attentif, sans fatigue, différenciant les [modes] purs des modes mélangés, connaissant toutes les nuances, et toutes les variations des thèmes, sans fautes, expérimenté dans l'exécution, suivant le tempo, à la voix bien formée, soutenue, puissante et douce, plaisante et subtile, brillant dans l'expression et appartenant à une bonne tradition."(2)
Semmangudi R. Srinivasa Iyer (1908-2003)
Sri Srinivasa Iyer a grandi dans le district de Thanjavur, le berceau de la musique carnatique, et a commencé l'apprentissage de la musique à l'âge de 8 ans. Il fut le maître de M.S. Subbalakshmi, une des plus grandes chanteuses de tradition carnatique. Il concourut à donner aux kritis de Swati Tirunal la notoriété qu'ils méritaient. Un autre de ses célèbres disciples fut le professeur T.N. Krishnan qui l'accompagna au violon dans de nombreux concerts.
M.S. Subbalakshmi (1916-2004)
M.S. Subbalakshmi fut une des grandes chanteuses de tradition carnatique. Elle a grandi à Madurai, près du temple Meenakshi, dans une famille de musiciens. Très jeune, elle a également appris les khyals et thumris de la musique hindoustani. Elle fut actrice pendant quelques années, puis se consacra entièrement à sa carrière musicale, donnant des concerts dans le monde entier. Elle fut la première musicienne à recevoir le Bharath Rathna, la plus haute distinction en Inde.
Ramnad Krishnan (1918-1973)
Ramnad Krishnan est né en 1918, dans une famille de musiciens du Kérala. C'est un des chanteurs de musique carnatique les plus importants du XXème siècle. Il fut un enseignant formidable, dont nombre des élèves sont devenus des musiciens confirmés. Tenu en très haute estime par ses pairs, il mourut prématurément à l'âge de 55 ans.
D.K. Pattammal
Damal Krishnaswamy Pattammal est une autre très grande chanteuse de la musique carnatique. Née en 1919 à Kanchipuram dans le sud de l'Inde, son talent s'est révélé très tôt. Elle donna son premier concert public à 14 ans. Elle s'est spécialisée dans les kritis de Dikshitar. Très traditionnelle dans son expression, elle a néanmoins exploré la forme improvisée pallavi, un domaine jusqu'alors réservé aux hommes.
Égratigner la surface ... bah moi j'ai appris plein de trucs ici.
RépondreSupprimerJe ne pense pas m'orienter (haha !) vers la musique indienne plus que de raison mais j'ai toujours quasiment autant apprécié de lire ''sur'' la musique que l'écouter et j'adore ce post.
Longue vie à l'imposture !
Passionnante "égratignure" en effet. Je ne connais absolument rien au sujet, ça donne envie de se pencher sur tous les noms évoqués, avec au moins quelques repères. Un immense merci pour ce texte !
RépondreSupprimerJ'ai pris le temps (presque une semaine !) de tout lire avant de commenter ce texte magnifique. C'est pour moi un éclairage nouveau sur une musique que j'ai écouté il y a bien longtemps parce qu'elle m'intriguait et que je voyais bien qu'elle inspirait pas mal de musiciens. Merci infiniment Yggdralivre pour ce boulot fantastique.
RépondreSupprimerBalancer un truc pareil en plein mois d'aout, c'est plus que du gâchis, c'est presque un crime ! L'avantage, c'est qu'il va rester longtemps en tête d'affiche et c'est tout ce qu'il mérite ! En un seul mot : merci. Je relève les noms des musiciens cités et fonce à ma médiathèque préféré à la rentrée !
RépondreSupprimerPS : vu sur Israbox, un disque de Larry Coryell(R.I.P.) et Hariprasad Chaurasia (souvenir inoubliable d'avoir entendu ce dernier en concert à la Cité de la Musique).
Très intéressant ! Merci beaucoup !
RépondreSupprimerhello,
RépondreSupprimermerci (vraiment) pour vos retours positifs.
j'avais rédigé ça il y a quelques temps, ayant découvert cette musique j'avais parcouru des ouvrages et écouté beaucoup d'artistes pour mieux connaître cet univers. J'avais donc tenté de faire un résumé de certaines "notions" et infos.
lorsque JJ a partagé l'album de Zakir Hussain il y avait de l'engouement, je me suis dit que ça pourrait intéresser des personnes ici, mais je n'ai pas pensé à la longueur et je partais en vacances (où je suis encore à moitié), je me dis que j'aurais dû retravailler le tout pour en faire une sorte de feuilleton estival avec un album à chaque fois mais bon je manquais de temps.
ensuite, je parle d'égratigner la surface car même si le texte est long selon les standards du net, il revient à résumer plusieurs centaines d'années d'évolution, ça reviendrait à faire la même chose sur "la musique classique occidental depuis Bach" par exemple ^^
merci encore de vos retours, j'espère que d'autres auront le temps et le courage de lire tout ça et de s'y intéresser.
Cette idée du feuilleton illustré à chaque chapitre par un album me semble extrêmement intéressante. Je suis complètement pour. Sans hâte, à ton rythme, tout au long de l'année.
RépondreSupprimeroui, sauf que là j'avais de la matière (et le temps ^^) il faudrait que je retrouve un autre sujet et que je bosse :)
RépondreSupprimerpour le moment je n'ai pas d'idées (et surtout je risque de manquer de temps), mais le format me tente vraiment !