Voilà, j’ai écrit ce texte quelques jours avant la mort de Mark E. Smith. Alors, faites-moi ce petit plaisir, pendant le court moment de votre lecture, il sera encore vivant parmi nous...
Il y a quelques temps (et, avons-le, même quelques années), j’avais fait la promesse pieuse de remonter le temps dans l’imposante discographie du groupe en illustrant son long parcours par un album par décennie. Or, il y a urgence car Mark E. Smith, leur emblématique meneur, est a priori gravement malade, sans doute suite à de nombreux excès en tout genre. Autant vous dire que le groupe, c’est lui, et que les autres n’auront jamais été que des électrons ou fusibles interchangeables en fonction de ses humeurs parfois massacrantes. Lui qui avait fanfaronné sur ses 50 ans (cf. https://www.youtube.com/watch? v=ApCTKt0-Fz4 ), on sait d’ores et déjà que sa soixantaine s’annonce plus difficile. Et malheureusement pour moi, s’il s’est écoulé tant d’années autour de ma promesse, c’est parce que j’ai buté sur la décennie 90, que je connaissais finalement assez mal, car elle correspond à celle au cours de laquelle je me suis éloignée du groupe. Force est de constater que cette période de The Fall me touche moins que les autres. Non qu’elle soit mauvaise ni qu’il y ait moins de morceaux totalement déments (et Dieu sait s’il y en a), mais je me sens plus proche de ce que le groupe a réalisé avant et après. Donc, après avoir espéré vous proposer un autre disque que celui-ci pour illustrer ces fameuses 90’s, je reviens vers mon choix initial, soit cet Infotainment scan, qui correspond au dernier que j’ai longuement écouté (avant de revenir vers le groupe dix ans plus tard), ainsi qu’à leur pic de popularité pour une œuvre loin d’être aisée. Ce groupe est définitivement immense, avec une œuvre colossale dont même les multiples compilations de tout genre n’arrivent pas à faire véritablement le tour. A la manière de certains grands artistes (comme Tom Waits qui n’a pourtant rien à voir), la musique du groupe dessine un univers à part qu’on pourrait croire limité alors qu’il est d’une richesse insoupçonnée et surtout l’expression d’une démarche profondément vitale et aventureuse, sans être fermée aux courants musicaux actuels. La musique de The Fall ressemble à du The Fall et il n’y a rien d’autre à savoir et c’est très bien ainsi. Alors, rompez cette indifférence française polie et agaçante à l’égard de ce groupe à l’influence toujours aussi cruciale et vivante, précipitez-vous dessus avant qu’une funeste nouvelle ne nous parvienne un jour et qu’on le visite avec cette déférence hypocrite des médias qui se voudront « branchés » et se donner bonne conscience en voulant nous faire croire qu’ils l’ont toujours soutenu à la hauteur de ce qu’il méritait (alors même qu’en France, il ne doit exister aucune couverture en quarante années d'existence et tout juste trois ou quatre interviews pour la plupart anecdotiques). Une chose est sûre, c’est que John Peel, lui, même tout là-haut, attend toujours avec impatience le prochain The Fall.
Maintenant qu’on connait la triste vérité, on pourra même dire que John Peel les écoutera sans nous.
Audrey SONGEVAL [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !]
C'est sans doute ce qu'on appelle un artiste culte : totalement ignoré du gros public, mais adulé par une poignée d'âmes sensibles... Ici, il n'y a guère de refrains à chantonner sous la douche, mais dans le domaine de l'inventivité, on trouvera rarement mieux et plus prenant. J'ai eu un peu de mal à réécouter les premiers titres à cause des événements, mais la voix (mélange d'agressivité roublarde et de tendresse infinie) a finalement pris le dessus sur la tristesse - les guitares au scalpel et la rythmique en mode tête chercheuse ont fait le reste, tout le reste. Cet album est un grand disque, un de plus, dans une discographie que nous pourrons encore fouiller longtemps...
Jimmy
01 - Ladybird (Green Grass)
02 - Lost in Music
03 - Glam Racket
04 - I'm Going To Spain
05 - It's A Curse
06 - Paranoia Man In Cheap Shxt Room
07 - Service
08 - The League Of Bald-Headed Men
09 - A Past Gone Mad
09 - A Past Gone Mad
11 - Why Are People Grudgeful
12 - League Moon Monkey Mix
MP3 (320 kbps) + artwork
Je ne connais pas du tout, mais la chronique est bien ficelée : je tente le grand saut !
RépondreSupprimerEt comme on dit dans ces cas-là : repose en paix mister Smith !
Sont tous bien frappés dans cette bande !!!!!
RépondreSupprimerPour ce que tu dis, Jimmy, il était loin d'être "culte", notamment en Angleterre où leur disque était régulièrement classé dans les Charts.
RépondreSupprimerC'est vraiment la France qui était à la traine. Et la presse y était, à mon sens, pour beaucoup, parce que certainement trop paresseuse et versatile pour un tel groupe.
Pour ce qui est de mauvaise foi, colère, roublardise, débusquage de la bêtise ou malhonnêteté intellectuel (ou empêcheur de tourner en rond) et tendresse infinie, Mark E. SMITH m'a toujours fait penser à Céline (dans un registre bien entendu très différents).
Par contre, il devait vraiment être insupportable... d'autant qu'il devait être passablement alcoolique (entre autre)... Je me rappelle qu'il s'atit brouillé avec le site de son fan club "officiel" qui s'était rebaptisé pour l'occasion "unofficial" sans rien changé à son fonctionnement.
Pour vous rendre compte que ce groupe n'était pas adulé pour une poignée de personnes, y a qu'à se rendre sur le forum des fans: https://www.tapatalk.com/groups/thefall/index.php
Ils organisaient même des compétitions autour des chansons du groupe comme une compet' de foot!
Peut-être que le terme "culte" est mal approprié, ce que j'ai voulu exprimer, c'est que beaucoup de gros mangeurs de disques ignorent cette oeuvre, alors que pour d'autres elles figurent parmi les essentielles...
SupprimerLa double Face de M E Smith est Camusienne.
SupprimerC'est sa chute, The Joke!!!
Pour les essentielles
-Cerebral Caustic avec la cover de Zappa "Life Just Bounces"
-Middle Class Revolt
- les B Sides
Après Alan Vega, maintenant Smith... Tristesse
Audrey
RépondreSupprimerDiscograghie imposante, c'est peu dire...
J'écoute régulièrement les John Peel Sessions.
Elles couvrent bien leur (sa) carrière. Et puis John Peel les adorait.
Jean-Paul
J'écoutais autre chose fin 70's début 80's et du coup j'ai laissé filer l'affaire The Fall. A l'occasion d'échanges avec un ''pote'' musicien américain (dont Jimmy et Marius se souviendront sans peine) le gars m'a parlé de Grotesque comme d'un album très important pour lui, je suis allé voir, j'ai pris une vraie claque mais pas moyen de me passionner pour le reste de la production du bonhomme, je sais pas pourquoi. Sans doute parce que j'écoutais autre chose (genre Tom Waits ...)
RépondreSupprimerMais je te rassure Audrey, je ne suis ni indifférent ni poli et vais peut-être tenter ton coup et tiens, tant que j'y suis, je vous recommande à tous Grotesque, un disque de The Fall !
J'ai lâché l'affaire un peu après les débuts de the Fall (Dragnet) parce que sa discographie me paraissait tellement effrayante que je gardais cette exploration pour plus tard.
RépondreSupprimerTon article me donne envie de m'y plonger sérieusement d'autant qu'un artiste adulé à ce point par John Peel ne peut que susciter mon intérêt.
Je suis un peu surpris que Mark E Smith ne soit pas plus apprécié en France car c'est tout à fait le style d'artiste maudit incompris des masses dont raffole la critique.Et en plus avec un coté destroy cynique très Français.
Le Duke
Smith était souvent cité dans le Canard enchaînés et Charlie, Luz lui consacra une BD "The Joke"
Supprimer@Jean-Paul: oui, je ne les ai pas écoutés mais ça doit balayer large vu leur nombre de passage.
RépondreSupprimer@Everett: en fait, je t'invite à écouter ceux juste après, beaucoup plus garage et brut (et avec moins de synthé).
Mais tous les premiers (dont Grotesque) sont considérés comme des classiques qui ont même pris du cachet avec le temps.
@Le Duke: Je pense qu'il ne faut pas avoir honte d'attaquer leur œuvre avec des compil (même si l'angle "signle" n'est peut-être pas la meilleur porte d'entrée pour découvrir le génie du truc). Pour la période 80's, je vous en proposerais deux.
Pour ce qui est des français; ils aiment le côté "romantique" des loosers des rockers... Or The Fall ne joue pas sur cette image, au contraire, ils sont anti-glamour (cf personnalité, pochette etc.)
J'écoute cet album incroyable EXTRICATE avec ce morceau CHICAGO NOW c'est la claque! je vais commencer avec celui là car ça me change vraiment d'ATOMIC ROOSTER et du KEEF HARTLEY BAND...
SupprimerMerci
Le Duke
je m'aperçois à cause de la mort de Smith mais surtout grâce au billet d'Audrey que je ne suis pas The Fall. c'est typiquement le genre de découverte qui finissent dans les connaissances parcellaires. dans mon entourage personne n'écoute ça (d'ailleurs, dans mon entourage je crois que personne n'écoute de musique en fait, bref), même plus jeune personne n'écoutait ça. Du coup, j'ai écouté parce que dans deux trois bouquins c'était une référence, un passage obligé pour des articles, ce genre de choses. Alors, je partais piocher dans les médiathèques (ou ailleurs) des noms avec ma liste sous le bras (enfin dans la main, même si je suis petit, faut pas abuser) et je revenais me gaver de ces découvertes hétéroclites..; mais the fall n'était jamais au rendez-vous. Un pote m'avait prêté une compil' sur K7, donc je connais deux, trois titres. mais voilà, c'est majoritairement resté une référence sur papier avec deux trois notes dans l'oreille, assez pour dire "ouais j'connais" dans une conversation, tout en citant deux noms d'albums et Smith en image plus classe laborieuse que joy division par exemple... et pis c'est tout. La mort du gars m'a plus attristé pour ça d'ailleurs (une certaine culture qui perd une icône), c'est le billet d'Audrey (j'y reviens) qui m'a fait prendre conscience de la discographie et de l'impact du groupe... il me reste plus qu'à aller creuser :)
RépondreSupprimerJ'hésite car ce monsieur a pris une place dans ma vie très personnel. Catherine, son truc a toujours été la musique qui se danse, le rythme en premier, si ça ne se danse pas ça l'ennuie. J'avais réussi à installer Elvis Costello, qui a quand même beaucoup de chansons abordables, même pour une oreille distraite.
RépondreSupprimerEt puis un jour elle revient avec deux vinyles: "Soul Mining" de The The et The Fall "Perverted By Language".
Elle me dit, pour les pochettes.
Alors on écoute et pendant que le titre "The Man Whose Head Expanded" te plante l'auditeur, je la regarde - elle - sans comprendre.
Elle a usé ces deux disques. Et moi elle m'avait encore conquis.
Moi, pas de problème, à l'époque j'aimais cette "école" Talking Heads/Magazine/Joy Division/Stranglers. Encore plus brut et monochrome et peut-être moins malin que certains des précités.
Et oui!! En +, elle avait trouvé le moyen de danser, chorégraphie heurtée mais pas dénuée de charme, comme si derrière le côté bravache elle avait repéré ce quelque chose qui m'avait facilité l'écoute.
Bizarrement je ne connais que ce disque.
Du temps où j'essayais de faire le chanteur, j'avais une chanson qui s'intitulait: "Danseur d'étoiles" (à cause de danseur étoile), et ton message me fait penser à tout ça... Je suis désolé, je crois que mon commentaire est incompréhensible! Mais le tiens m'a touché...
SupprimerNous sommes deux.
SupprimerLes danseurs passionnés sont un peu comme les musiciens - passionnés - au delà du fait que c'est chacun son écoute, ils ont en + une formation où il n'y a pas que l'oreille et les sensations, il y autre chose qui s'ajoute à l'écoute. J'ai et je suis encore jaloux de ce supplément mais c'est tellement agréable quand cela nous est expliqué à défaut de le ressentir spontanément.
Merci Audrey pour cet "hommage" si je puis dire. J'avais raté l'info et là je prends une claque en passant par ici. J'ai une très longue histoire avec The Fall, jamais vraiment proches mais jamais éloignés non plus. J'aimais savoir que ce groupe, ce mec, continuait son chemin envers et contre tout, sans concession et j'aimais l'idée que régulièrement il me proposait des choses nouvelles, j'aimais pouvoir continuer à piocher dans cette œuvre immense quand m'en prenais l'envie. J'aimais sentir que Smith continuait à m'accompagner comme un ami qu'on ne voit pas tous les jours mais qu'on sait toujours là. Il continuait à m'accompagner et c'était précieux, tant d'autres nous avaient déjà quittés. Ça semblait sans fin et, de fait, c'est sans fin, Mark E. Smith n'est pas mort, Mark E. Smith est immortel comme tous ceux qui nous transportent par leur art.
RépondreSupprimerMerde...
Bonsoir ,
RépondreSupprimerC'est avec stupeur que j'apprends cette nouvelle . Pour l'ado que j'étais lorsque je les ai découverts , The Fall était un groupe vraiment impressionnant .
@ yggdralivre: Cette histoire du joy div' du pauvre est triste à mourir. Je me demande si c'est un truc français ou si on a dit ça aussi en Anglettre (je crois qu'un peu). En fait, on dirait un truc de journaliste qui n'aimait pas Joy Division et qui n'a jamais pris le temps d'écouter The Fall. Difficile de trouver de vraies ressemblances entre les deux à part qu'ils venaient tous les deux de Manchester...
RépondreSupprimer@Devant: C'est un souvenir très émouvant (que je ne laisserai pas pour ma part à mon mari car je ne danse pas forcément très bien).
@Till: Oui, je pense que ceux pour qui The Fall a compté ont tous eu cette impression de truc sans fin. A peine on reprenait le train en route que le nouvel album arrivait, avec parfois l'envie d'attendre encore le suivant... Avec l'idée qu'on aurait un jour le temps... Eh bien voilà,on l'a, maintenant, le temps!
@Daniel: Tout à fait, The Fall inspirait le respect le plus total. Y compris des autres groupes.
@Duke: Oui, dans tous les albums, ya quelques morceaux absolument déments. Extricate ne fait pas parti de leur meilleur mais des plus accessibles. En morceaux déments, là, qui me viennent tout de suite en tête, il y New Big Prinz, Hip Priest, I am Damo Suzuki, How I write elasti man, Hit the North... Pfiou, faut que j'arrête, y en a trop. Et puis, moi aussi j'ai des disques à rattrapper.
Et si tu aimes le garage, The Fall a largement donner dedans (à sa manière), notamment via des reprises de groupes parfois obscures. Dans presque tous leurs albums tu as entre 2 et 3 reprises.
Big New Prinz...Je garde ce morceau en tête depuis 30 ans. Fantastique !
RépondreSupprimerMerci Audrey. Je n'arrive à rien dire, rien écrire. Mais comme tu le dis si bien, inutile de jouer au mec branché maintenant. The Fall m'a pris par surprise un soir de 94, sur France Inter, et puis périodiquement depuis. Un immense artiste, une sale tête de con, de ceux qui osent tout pour paraphraser Audiard, bref un gars bien quoi.
RépondreSupprimerheeee, commentaire d'un québécois avec un manque flagrant de mots et de substance face à l'élite de la mère patrie, merci pour la découverte
RépondreSupprimerUNRAR PASSWORD PLEASE?
RépondreSupprimergreetz from Belgium