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vendredi 26 octobre 2018

La Balade de Tony Joe


Désormais, avec Internet, on apprend quasiment le décès des artistes en temps réel (bientôt, peut-être, via sa webcam, on pourra pénétrer dans la chambre d'hôpital). Ensuite, chacun poste une photo sur Facebook, accompagnée d'une petite phrase bien sentie (c'est à dire, en général, tout à fait clichée) avant de retourner vaquer à ses occupations. Aujourd'hui, ma principale occupation va consister à n'écouter aucune note de musique, parce que j'ai besoin de silence pour me souvenir. Demain, si j'en ai le courage, je jouerais quelques chansons de l'époque Monument ou Warner, à moins que je n'opte pour son dernier album. Son fils a dit qu'il n'était pas malade, qu'il n'avait pas souffert - c'est le cœur qui a lâché, voilà... Je n'ai jamais beaucoup fantasmé sur l'Amérique ; pour moi, ce pays est trop grand, et j'ai l'impression de m'y perdre, même au milieu de mes rêveries, mais je poussais souvent jusqu'au jardin de Tony Joe... Si Tony Joe White n'était pas un génie (ce qui reste à prouver), c'était au moins un maître. En apprenant sa disparition, j'ai repensé à un dialogue de mon feuilleton. Dans ce chapitre, les protagonistes se retrouvent dans leur bar préféré (Un Joli Nom), après leur entrée en fac. Depuis l'école primaire, c'est la première fois qu'ils sont séparés, et leurs nouveaux condisciples ne semblent pas à leur goût. Le narrateur dit : "[...] j'ai pas trop eu le cœur à leur parler, ils ont presque tous des têtes à s'expédier dans les pommes (blettes) en écoutant Mark Knopfker singeant Eric Clapton en train d'imiter J.J. Cale essayant de sonner tel Tony Joe White !" Les malentendants auront tendance à vous dire que tous ses albums se ressemblent (ces gens-là ignorent la signification du mot : "nuance") et ils n'ont peut-être pas tout à fait tord, mais quand on a trouver la formule magique, à quoi bon en changer ? Voilà, au final, Tony Joe n'était peut-être ni un génie ni même un maître, mais un magicien. La combinaison de sa voix et de sa guitare vous entraîne bien plus loin que les (trop) fameux marécages, dont on n'a pas fini de nous rebattre les oreilles. J'ai bien peur de ne pas trouver d'autres mots à vous proposer, en ces instants funestes, mais j'y reviendrai bientôt...
Jimmy JIMI [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !] 


25 commentaires:

  1. Si là tu manques de mots pour exprimer ton émotion, alors qu'est-ce que ça va être quand tu vas les retrouver, Jimmy. Ton hommage à Tony Joe White est magnifique.

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    1. Il va donc falloir que je me surpasse!

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    2. Rien à ajouter, juste écouter !!
      https://www.youtube.com/watch?v=MY2z_3xYYgI

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  2. Je l'ai découvert tout récemment, par le biais de son dernier opus, grâce à toi Jimmy...

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  3. ...mais si J.J. Cale est un disciple de Tony Joe White, comme tu sembles le suggérer, je vais poursuivre l'exploration du bayou...

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    1. Je vais proposer l'intégrale Warner dès que possible (j'ai un problème de matériel).

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  4. Il est parti avec un dernier opus plein de noirceur et de douceur... Une immense perte tout en discrétion. Comme l'Homme, toujours discret, humble mais d'une efficacité redoutable. Et puis, ce timbre de voix velouté et unique. Baby please don't go

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    1. C'est bien qu'il ait pu partir sur un dernier bel album.

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  5. Thanx for this one JJ.
    J'ai appris la nouvelle hier soir en recevant un mail de Yep Roc Records, sa maison de disques, avant la propagation googlienne ou facebookienne ou autre. Il y était question de respect et d'admiration.
    J'ai trouvé ça beaucoup plus classe que d'habitude, comme si on s'adressait vraiment à moi.
    J'attends maintenant la prochaine newsletter de Chuck Prophet, coéquipier du Boss chez Yep Roc et fin lettré, je suis sûr qu'elle sera à la hauteur.
    TJW Just Walked Away.

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    1. Cela fait un moment que je n'ai plus eu de nouvelle de Chuck sur Facebook. Je crois qu'il tourne et il a donc mieux à faire.

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  6. Très bel hommage pour un artiste unique. Un peu trop limité à l'image "swamp" comme tu dis. Mais le pauvre était à l'aise partout : d'un côté les boogies poisseux, chaloupés, où il raconte des histoires d'un air détaché avant de grogner comme un ours, guitares aux graves charognards... Ou les ballades, Rainy Night In Georgia, The Daddy, Five Summers For Jimmy... qui portent le regard au loin. Un sens de l'économie qui rend ses chansons "pures", un peu magiques, on peut les écouter mille fois. Une présence rare, aussi : je l'ai vu il y a quelques années sur scène, habillé tout en noir, assis sur une petite chaise, sans bouger : la voix et le son de guitare réveillaient les morts. Merci à lui d'avoir continué jusqu'à la fin, avec le même feu.
    Au silence (bien compréhensible), j'ai préféré la piqûre de rappel. Une vidéo enthousiasmante de ses premières années, idéale pour célébrer sa mémoire :

    https://www.youtube.com/watch?v=S9p-XlvKXec

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    1. Commentaire impec', comme d'hab'. Merci pour le message comme pour le lien.

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  7. bonjour, je plussoie à la phrase "Ensuite, chacun poste une photo sur Facebook, accompagnée d'une petite phrase bien sentie (c'est à dire, en général, tout à fait clichée) avant de retourner vaquer à ses occupations." C'est tout à fait ça, des musiciens il en meurt chaque semaine et chaque semaine c'est l'impression que j'ai. Je dois être trop affectif. Quel disque de T Joe White me conseillerais-tu ? Je connais mal. Merci. Ness

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    2. Une compil qui semble COOL de:
      SURFADELIC
      https://www75.zippyshare.com/v/WRtwkcYq/file.html
      MERCI Ji Ji

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    3. Je vais essayer de proposer l'intégrale Warner, demain (j'ai un souci de matos, en ce moment).

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  8. "Ode to Tony (Billy) Joe"

    J'ai toujours pensé que Tony Joe avait composé cette chanson pour Bobby Gentry qui ne pouvait être que la fiancée de celui-ci. Ce devait être à cause de Joe Dassin qui avait pillé le répertoire des deux tourtereaux imaginaires ou peut être d'Elvis le Johnny des états unis qui c'était aussi abreuvé à la source du magicien des marais en interprète avisé. Qu'aurait bien pu donner la progéniture d'un couple aussi parfait certainement mieux que celle de John et Yoko, on en a eu la preuve. Alors Tony Joe ne s'est pas jeté du pont de la Tallahatchie River mais il s'en est allé chevaucher les mustangs au ciel étoilé du sud qui l'a enfanté et sa musique restera toujours gravée au fer rouge de mon cœur. "TJW" la synthèse parfaite du blues de la soul de la country et du rock. J'ai encore des frissons quand je l'entends apostropher Billy Swann "Could you dig it Swann ?" "YEAAH" répondait le géniteur de "Dont be cruel" avant d'engager les 7mn 45 d'un boogie furieux "Boom Boom" de John lee Hooker.
    Et que dire de ces ballades de son jeu de guitare ponctué d'effet wah wah façon soulmen, son phrasé d'harmonica unique et sa voix chaude comme la lave du Vésuve qui vient te serrer le sternum jusqu’à commencer à te couper la respiration. L'émotion! la marque des grands, des très grands pour ce qui me concerne.
    Merci pour ce bel hommage Jimmy et le prémonitoire "Bad Mouthin" venant conclure la carrière de cet artiste EXCEPTIONNEL
    So long TJ
    Duke

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  9. c'est toujours le problème (qui n'en est pas un tout en étant vital). Pour ceux qui n'aiment pas une musique tous les morceaux se ressemblent. Rien ne ressemble plus à un morceau de rap, blus, jazz, etc qu'un autre morceau de rap, blues, jazz, etc... c'est encore pire qu'en un artiste décide de creuser un sillon, obstinément, comme un artisan peaufinant les mêmes pièces avec les mêmes gestes. Si on entre pas dans la sensibilité qui se dégage de l'oeuvre et de la démarche (qui, du coup, en deviennent intimement liées... d'ailleurs ça me fait marrer, parce que quand on salut un artiste comme Picasso on dit que l'art c'est ça, c'est savoir se renouveler sans cesse, alors que quand on salut un mec comme tony joe on dit que l'art c'est ça, c'est se rapport artisan au monde... en fait c'est les deux, JJ le dit bien en parlant de nuance, tourner autour de la sensibilité, en exprimer les nuances c'est se renouveler et l'inverse est tout aussi vrai) alors on continue de vivre sur les clichés, à ressasser les deux trois lignes de bios, les deux noms d'albums marquants, les contributions avec deux ou trois grands noms et pouf on en revient à réduire le gars à un article posthume de libé ou du figaro ou du monde... enfin vous voyez le genre.
    Alors le problème pourrait être là et bien souvent, si on continue de suivre les propos du tout venant, du tous les jours, il est là, dans cette incapacité des uns et des autres à comprendre les démarches artistiques d'autres horizons et on repart pour la Culture (avec un C pour bien montrer qu'on a beau être un produit comme un autre on a suffisamment d'estime pour ne pas vendre son cul aussi facilement).
    mais non, le problème n'est pas là, on s'en fou de ces conneries culturelles, des barrières, des horizons, des catalogues de ventes et des rayons de supermarché... nan le problème relève de l'intime. Dylan ou Young ont beau nous parler, ont beau soulever en nous des émotions indicibles, des raz de marée émotionnelle, nous serons toujours plusieurs aux concerts ou à parler des albums... ils sont populaires, ils touchent à l'universel... là où Tony Joe ou JJ cale et quelques autres (foutez des rappeurs, des jazzmen, des rockers) touchent au point vital de l'intimité, ils susurrent à l'oreille des mots étranges, parfois surannés mais jamais vraiment pliés aux exigences du marché, ils vont ricocher et résonner des sentiments uniques, des choses que l'on ne partage pas, que l'on a pas forcément envie de pardonner. JJ parle de jardin, à raison à mon sens, on aura beau être 80 000 dans le stade, on sera autant d'âmes solitaires, d'âmes intimes touchées par la vocation faillible (parce que si la carrière était sans faille, le gars ne serait pas artisan aux doigts rugueux, il serait designer projet chez apple) d'un bluesman cajun. Alors, la nouvelle ne surprend pas, elle attriste, parce qu'on sera toujours là dans le noir, dans la rue, en sifflotant, aux bras de l'être aimé (des êtres aimés si vous êtes chaleureux), dans un jardin d'enfant, un parc, un cimetière, un bar à siroter un straight no chaser des familles... on sera toujours là à repasser les albums sur la platine pour rendre hommage, pour essayer, encore et toujours d'étouffer l'angoisse de se savoir un peu plus seul que la veille.
    Ygg

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    1. "Seul au milieu de la foule": rarement formule n'a été aussi juste. Merci pour ton long et beau message.

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  10. J'y suis allé de mon ptit hommage sur les réseaux sociaux. J'ai pris ma guitare et j'ai hanté. Ca n'a évidemment aucun intérêt artistique, mais je ne suis pas le seul sur Youtube à ne présenter aucun intérêt. Et j'ai évidemment (?) rappelé en même temps le fantôme de Joe Dassin (le vrai, pas celui de l'Ete Indien qui dévaste la Russie). On fait ce qu'on peut dans la tristesse, chacun, selon. Moi j'ai fait ça.
    https://youtu.be/Hwbdy6Mf40o

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    1. Merci pour ce très bel hommage (et félicitation pour le chouette T-shirt Stax!).

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  11. Jouer la musique de TJ c'est le plus bel hommage que l'on puisse lui rendre. Sa guitare ne ment pas car elle continue de parler à nos cœurs. Et parfait l'harmonica on croirait entendre Tony Joe!
    Duke

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