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lundi 10 décembre 2018

Jazz En France - Volume X : Les Double Six [HMC. 2018]




C'est en 1959 que la chanteuse Mimi Perrin fonde le sextet vocal Les Doubles Six sur le modèle du trio américain Lambert, Hendricks & Ross. L'idée de base en est identique, il s'agit de chanter des paroles sur les morceaux de jazz les plus connus du moment en respectant le rythme, le tempo, le phrasé et la mélodie du thème original. Sauf que Mimi Perrin va mettre un soin maniaque à reproduire le plus fidèlement possible les soli des titres originaux. Elle utilise des consonnes explosives (P, B, D, Q) pour rendre compte de l'attaque du soliste qui est le plus souvent un saxophoniste ou un trompettiste. Elle use abondamment des : "oui !" et des : "ben, t’as dit vrai, toi" pour reproduire les tutti d'orchestre typiques du style des big bands. Le membre des Double Six qui chante le solo est choisi en fonction de la tessiture de sa voix afin de s'approcher au plus près du registre de l'instrument d'origine. Le répertoire provient des grands succès des orchestres les plus en vogue de l'époque : Count Basie, Woody Herman, Quincy Jones, Gerry Mulligan ou John Coltrane. Les Double Six sortent un premier album en 1961, suivi d'un autre en 1962. Quincy Jones, alors arrangeur et compositeur au sein de l'orchestre de Count Basie et parisien depuis 1957, y figure en bonne place. A cette époque, Quincy Jones dirige également son propre big band. En 1963 sort un album interprété en collaboration avec Dizzy Gillespie. Les textes y sont souvent drôles et le titre Roby le robot remporte un grand succès. En 1964 parait un quatrième et dernier album consacré à Ray Charles, mais l'inspiration n'y est plus. Minée par la maladie, Mimi Perrin y a jeté ses dernières forces et, peu après, abandonne définitivement la musique. L'absence de Ray Charles parmi les interprètes ajoute encore à l'impression de rendez-vous manqué que dégage cet opus. Outre Mimi Perrin, les Double Six sont composés des chanteuses Monique Guérin, Christiane Legrand (la sœur de Michel Legrand), Claudine Meunier, Hélène Devos et Annie Vassiliu (la sœur de Pierre), des chanteurs Louis Aldebert, Ward Swingle, Jean-Louis Conrozier, Roger Guérin, Jacques Denjean, Jean-Claude Briodin, Eddy Louiss (futur pianiste de Claude Nougaro), Bob Smart, Bernard Lubat, Jef Gilson (futur chef de file du free jazz français), Gaëtan Dupenher et Claude Germain. Claudine Meunier et Christiane Legrand se retrouveront bientôt sous la direction de Michel Legrand pour l’enregistrement des Demoiselles de Rochefort, le film de Jacques Demy. Une section rythmique composée de René Urtreger au piano, Jimmy Woode à la contrebasse et Jean-Louis Viale à la batterie accompagne les vocalistes. Un mot sur la technique d'enregistrement : au début des années 60, les magnétophones multipistes n'existent pas. Ils sont stéréo, deux canaux, donc. Pour enregistrer plusieurs pistes, il faut ré-enregistrer les deux pistes initiales sur un deuxième magnétophone en y ajoutant deux canaux supplémentaires que l'on mixe sur le champ, sans possibilité de modifier à posteriori le placement des musiciens. Il faut donc dès les deux premières pistes imaginer la position (droite/gauche) des musiciens que l'on enregistre. De plus, en l'absence de réducteur de bruit Dolby qui ne sera inventé que dans les années 70, chaque ré-enregistrement ajoute son propre souffle au souffle de l'enregistrement initial. Voici pourquoi les morceaux des Double Six sont entachés d'un souffle plus important que les autres productions de l'époque. Ce qui n'empêche nullement la magie d'opérer.
ZOCALO [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !]

 






















01 - Tickle-Toe
02 - Westwood Walk (Histoire De baryton)
03 - Hot House [Avec Dizzy Gillespie]
04 - Early Autumn [Finalement L'Automne Est Arrivé]
05 - Stockholm Sweetnin' (Un Coin Merveilleux)
06 - Sherri
07 - For Lena And Lennie (En Flânant Dans Paris)
08 - Hallelujah, I Love Her So
09 - The Champ [Avec Dizzy Gillespie]
10 - Sweets (Les Quatre De L'Opéra)
11 - Hit The Road, Jack
12 - Moanin' (La Complainte Du Bagnard)
13 - Blue 'n' Boogie [Avec Dizzy Gillespie]
14 - Evening In Paris (Il Y A Fort Longtemps)
15 - Naima
16 - Boplicity (La Légende Du Troubadour)
17 - Tin Tin Deo [Avec Dizzy Gillespie]
18 - A Night In Tunisia (Le Tapis Volant)
19 - Lonely Avenue
20 - Emanon [Avec Dizzy Gillespie]
21 - Meet Benny Bailey (Au Bout Du Fil)
22 - Fascinating Rhythm (Le Pas Qui Plaira)
MP3 (320 kbps) + front cover

 
 

18 commentaires:

  1. Bravo pour ce nouveau volume! On a rarement fait swinguer aussi joliment notre langue toujours difficile à manœuvrer. Quand la technique ne vient pas marcher sur les pieds de l'émotion, cela peut offrir ce genre de superbe réussite.

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    1. Jimmy si vous plait le re-up du Jazz En France - Volume IX : Didier Lockwood [HMC. 2018]... lien mort :(
      Merci!!!

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    2. Jimmy, tu as conservé l'hommage à Didier Lockwood ?

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  2. Très chouette article, vraiment. Tu as trouvé le bon équilibre entre érudition, explication et conviction... important pour emporter le morceau. Je prends l'album et je copie ton texte dans le dossier, il me servira bien quand je me pencherai sur mon "best of" ou ton choix. Le coup de "ben, t’as dit vrai, toi" je vais me jeter sur le titre "MEET BENNY BAILEY" (Merci quand même aussi à Google search!!) ça donne bien envie Bravo

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    1. Merci Devant. J'aimerais bien faire des présentations plus déjantées façon Jimmy, YGG ou le Duke. Mais non, à chaque fois, je ne peux m'empêcher de faire dans le didactique. Mon côté prof, certainement !

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  3. haaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !

    putain ! (chez moi, ça a du sens, faut l'entendre comme le cri susurré d'un soulagement qui s'épanche sur l'épaule du commun...)

    j'écoutais la radio (truc de dingue) et ça causait djazz... le genre de truc que tu fais de nuit (on se tutoie ?).
    personnellement j'adorerais le faire au volant... en mode lost highway mais voyez (faut voir ça comme un "tu" pluriel ici) s'pa possible biscotte j'ai pas le permis... du coup, à moins qu'il me prenne des envies de lycanthropie aussi galopante que suicidaire à aller faire le zouave (c'est d'époque) sur une autoroute, j'ai pas les moyens d'assouvir l'envie (du reste pas pressante, je goûte plus les lunes montantes).
    Alors, sans être nyctalope pour autant, je profite de mes insomnies pour écouter la radio, des podcasts et.ou du djazz... et des fois, comme je suis un dingue qui aime à chahuter la bienpensance neuronale, j'écoute la radio qui diffuse du djazz...
    vous avez saisi le tableau... ? (enfin"le tableau" c'est une image - forcément- parce que la nuit ben... il fait nuit)
    j'étais donc là, peinard à siroter un machin des highland (paraît que ça aide à avoir une voix de loup-garou à défaut de pilosité) et à écouter du djazz quand soudain, l'invité (je vous laisse deviner le nom, ça prouve que je suis presqu'encore pas loin de me prendre pour un jeune, j'fais dans l'interactif... en revanche, rêves pas chouchou, y'a pas d'prix à gagner à la fin, tout les lots sont au même prix chez moi : la consolation) cause son ancien groupe : "les double six".
    ce coup de pied au cul dans ma tronche !
    aussitôt, j'ai fantasmé demander mimi en mariage!
    une fois le refus digéré, j'ai repris une gorgée du breuvage tourbé (<- ceci est un indice pour indiquer que ce n'était pas de l'eau... ha ! et je précise au plus maniaques de la logique narrative d'entre-vous qu'étant coutumier du fait, non je n'ai pas besoin de lumière pour trouver mon verre la nuit... bon certes parfois, il y a un goût de dentier qui persiste mais que voulez-vous c'est tout ce qu'il me reste de ma mamie).
    des années plus tard, j'ai trouvé sur une brocante un vieux vinyle du groupe... la pochette a vécu 1 000 vies, le son est crade au possible, c'est le disque avec le son le plus pourri que je possède... mais je l'écoute souvent. Pour moi "les double six" c'est comme "signé furax" ou "les maîtres du mystère" ou "du tac au tac" ou les chansons de vian ou le djazzrock de qualité ou... enfin tu vois l'topo ... je ne dis pas que c'était mieux qu'aujourd'hui (ça serait stupide) mais ça me fait dire qu'il y avait des choses géniales dont on oublie de parler. Le genre d'envie, de prouesse, de talent, d'expérimentation que l'on fout sous le tapis culturel... le seul truc positif dans tout ça c'est que les deux trois autres, ceux que certains ont décidé de ne pas faire tomber dans l'oubli en deviennent sottement cultes, tellement cultes qu'ils en viennent à être aimé par des cons et des imbéciles. Tu me diras "c'est pas mieux avec tes références de niche, tu tombes sur des esthètes de veaux"... la preuve que non !
    Zocalo mon amour! je connais tous ces titres mais ça me fait plaisir de voir quelqu'un en parler ici (plutôt qu'ailleurs :) ).
    Ygg lycanthrope mais pas trop

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    1. et je m'auto-réponds pour préciser que si mon message est, comme trop souvent, à caractère farfelu et bordélique c'est, évidemment et tout le monde l'aura compris, parce que la présentation de Zocalo mais parfaitement l'accent sur les origines et l'originalité du projet tandis que les titres parlent d'eux-mêmes.
      Ygg

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    2. Un YGG qui me répond en grande forme, voilà le meilleur merci qu'on pouvait me faire. Rien à ajouter, sinon que Mimi n'est plus un coeur à prendre. Elle nous a quitté il y a 8 ans.

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  4. Quelle audace cette Mimi Perrin, cela me fait penser à une anecdote que je lisais à propos de Wilson Picket (Rien à voir avec le Jazz) Les autres poussaient des cris alors que lui c'était des notes qu'il criait.
    A propos de livres et de Free Jazz je me suis régalé avec la lecture de "La France Underground " de Serge Loupien, à conseiller aux jeunes générations. On est plongé dans l'avant garde, le free jazz mais aussi le rock et la chanson lorsqu'ils représentaient encore une aventure pour la jeunesse.
    Tu devrais nous en faire une chronique.
    Encore bravo pour ce bel article très documenté notamment sur la technique d'enregistrement de l'époque.
    Duke

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    1. Un chapitre sur le free jazz français est prévu (sans doute à l'horizon 2025, à l'allure où je publie...). Mais bon, autant dire que ce ne sera pas la musique la plus immédiatement accessible du monde. Le free jazz à la française a vraiment été l'un des plus radicaux.

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  5. Et dire que j'avais commencé un billet à leur sujet, jamais achevé... Ça m'apprendra... Merci à Zocalo de leur avoir rendu cet hommage et de les faire découvrir à certains et certaines !

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    1. Rassure-toi Arewe, il y a encore beaucoup à dire sur les Double Six. Termine ton billet.

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  6. Je n'ai pas encore écoué, mais c'est tellement bien présenté! Sans doute avecl'âge, je suis de plus en plus sensible à la vibration des cordes vocales humaines, surtout quand elle est techniquement maitrisé (oui, je pense à l'opéra mais pas que). Je pense que ta sélectionner va me faire "vibrer"!

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  7. Belles harmonies vocales, je ne connaissais pas, comme quoi le jazz en Français ça sonne bien, j'avais quelques réticences et finalement j'ai bien apprécié. Merci.

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  8. Vous parlez de la sœur de Pierre Vassiliu dans le texte.
    Son prénom est Anne et non Annie ;-)

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    1. Eh oui, bien sûr : Anne ma soeur Anne. C'est Wiki qui m'a enduit d'erreur...

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  9. Je me souviens de la pétulante Mimi Perrin, souvent invitée dans les émissions consacrées au jazz sur France Musique il y a 35 ou 40 ans. Chouette personne.
    Merci pour le partage.

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