(Mon) Panthéon du Rock n°4
par le Duke : Little Feat.
Les commémorations d’albums
mythiques se poursuivent pour le
cinquantenaire de l’année 1969 (érotique s’il en fut). Les rentiers séniles de l’industrie musicale totalement
à cours d’idées ne cessent d’éditer coffret sur coffret en version Deluxe "remasterisés" et les savants de la presse spécialisée, de disséquer, de conceptualiser, de contextualiser
tous ces disques merveilleux jusqu’à leur faire perdre (presque) tout ce qui constituait
leur magie. Pendant ce temps-là nos derniers poilus et barbus tombent les uns
après les autres inexorablement : Gary Duncan, Dr John Rebennack, Ginger
Baker et tout récemment Paul Barrère le deuxième guitariste de Little Feat.
Alors fêtons plutôt dans la
tradition mexicaine l’anniversaire d’un brave tombé au champ d’honneur : Lowell
George qui nous a quittés le 29 juin 1979 voici donc 40 ans.
Personnellement, j’ai
découvert Little Feat en 1975 lors de la campagne promotionnelle organisée pour
la tournée Buggs Bunny de Warner Bros qui présentaient un show
sur deux jours avec Doobie Brothers, Graham Central Station, Bonaroo, le
premier soir puis Little feat, Tower of Power et… Montrose le deuxième soir, le
tout entrecoupé de cartoons maisons de
Bip bip Roadrunner, Vil Coyotte et Pépé le Putois pendant les
changements de matos. On imagine
l’ambiance pour les heureux qui ont assisté à ces concerts. J’adorais le premier album de
Montrose (ben oui…) et les Doobie brothers cartonnaient dans une veine
californienne proche des Eagles mais pour les trois autres (Bonaroo, c’était
nase) je n’y comprenais pas grand-chose.
A 14 ans, je n’avais pas encore été initié au funk. Le début de mon histoire
d’amour avec Little Feat coïncide donc avec la découverte du slapping de Larry Graham.

Mais revenons quelques
années plus tôt dans les sixties ou toute
l’affaire rock'n'roll s’est pour ainsi dire accélérée. Lowell George est un enfant d’Holywood. A cette époque, les
ados mineurs trainent sur le Sunset Strip vont au Pandora’s Box et au Whisky A Gogo sucer des glaces et écouter Sonny and Cher qui se font appeler Caesar et
Cleo… tout cela avant que la fête dégénère en émeute le 12 novembre 1966 après
l’instauration d’un couvre-feu. Nos
jeunes baby-boomers privés de défonce et de musique forte se révoltent en
invoquant leur droit civil à s’exploser la tronche après 22 heures ! Ils affrontent la police qui les cognera sans
ménagement. Lowell perd un doigt de la main gauche au cours de ces évènements,
le chirurgien décide de lui greffer à la place une phalange d’acier qui lui
permettra d’éviter la conscription. Son sort est scellé, il sera slide guitar
man ou rien et cela vaut toujours mieux que de se farcir une horde
de Viets dans les rizières du Laos.
Au milieu des sixties, Lowell
monte son premier groupe The Factory et collabore déjà avec Frank Zappa qui ne
tardera pas à le recruter comme guitariste au sein des Mothers (fuckers) après
un bref passage de chanteur pour les Standells de 1968 en fin de course. George
est actif sur deux albums des Mothers : Wisels ripped my flesh et Burnt weeny sandwich,
mais je n’arrive pas à distinguer son jeu de celui du Maitre moustachu. Zappa l’encourage à monter
son propre groupe ce qu’il fait avec Roy
Estrada le bassiste à la tête de mousquetaire des Mothers. Le reste du line up
est composé de Bill Payne aux claviers et Richard Hayward qui jouait déjà dans
The Factory à la batterie. Litle feat est né.
D’après la légende, Zappa l’aurait viré parce que sa chanson
Willin parlait de dope et c’est la marquise Pamela des Barres que Zappa drivait dans les GTO’s qui raconte
cela dans son bouquin. Mais peut-on faire confiance aux souvenirs embrumés de
sexe, de drogue et de rock' n’roll d’une pétroleuse comme Pamela DB. Je pose ici ouvertement la
question ?
C’est avec l’aide de Ry Cooder à la slide ! (cela ne
s’invente pas) et de Sneaky Pete Kleynow aux pédales de guitare en acier qu’ils
enregistrent leur premier album très Stonien et remarquable : Little Feat (1970)
qui sonne comme du Exile on main street avant l’heure. Le deuxième album : Sailin
shoes (1972) s’avère tout aussi excellent dans la même veine mais aucun des
deux ne performent dans les ventes. La pochette poilante de Sailin Shoes
représentant une demoiselle gâteau partiellement entamé(e) sur une balançoire est
signée par Neon Park qui assurera ensuite une collaboration continue avec le
groupe pour toutes leurs pochettes (plus ou moins réussies) mais qui participeront
de l’image d’un groupe qui ne s’est jamais pris au sérieux.
Après le départ de Roy
Estrada rappelé par la maison Mothers/Beefheart, Lowell George loin de se décourager persiste
dans une veine Funky/Blues aux fortes racines de New Orleans (A.Toussaint, Meters, Dr John) parfaitement
originale en augmentant le groupe d’une deuxième guitare avec l’arrivée de son
copain de lycée Paul Barrere, d’un nouveau bassiste totalement funky Kenny Gradney
et de Sam Clayton (le frère de Merry) aux congas et autres "cloches
de bœufs". Avec l’indispensable Bill Payne aux claviers, c’est un
orchestre époustouflant qui enregistre Dixie chicken (1973) leur sommet en
studio puis Feats don’t fail me now (1974) avec lequel ils connaissent véritablement le succès. Le
groupe peut tout jouer, du boogie le plus endiablé à la ballade country (Willin’)
et surtout ce blues mâtiné de funk, nappé de guitare slide et porté par la voix
à la fois puissante et sensuelle de Lowell George (Un compromis entre Howlin
Wolf et Aaron Neville que Lowell admirait certainement).

Mais c’est en live que se
jauge la maestria du Feat. George n’aime pas
l’ambiance corseté du studio. De ses années Mothers, il a gardé cet
esprit anar et iconoclaste, de plus il ajoute une bonne dose d’humour à ses
prestations qui font la part belle aux improvisations. Pendant leurs shows les
morceaux créés en studio semblent se libérer de leur gangue pour donner leur
pleine mesure sans pour autant tomber dans le travers des jam bands de southern
et west coast rock de l’époque. Après deux albums studios très corrects (The
last record album et Time loves a hero) mais un cran en dessous des quatre
premiers, le Feat balance son brulot en live :
Waiting for Colombus (1978), mais Lowell George a déjà la tête ailleurs et pense
à dissoudre Little feat. Il n’en aura pas le temps car il décède peu après la
publication de son excellent album solo : Thanks I’ll eat here (1979) d’une crise cardiaque consécutive à ses excès de hamburgers et de speed ball dont était friand un autre "bon vivant" nommé John Belushi (JAKE).
American Cutie est un album live sorti en 2012 issu de deux
concerts enregistrés à Denver en 1973, alors que le Feat défendait leur
troisième album : Dixie chicken.
Le groupe qui est dans sa
nouvelle mouture royale, récite ses futurs
standards dans une formule de blues sale faussement maitrisé avec moins
d’improvisation que sur Colombus ce qui en fait tout l’intérêt. Et en plus Bill
Payne n’a pas encore acheté son premier synthétiseur !
Enfilez votre salopette
blanche et chaussez vos boogie shoes et allons donc ripailler avec excès en
souvenir de Lowell George !
THE DUKE [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !]
01 - A Apolitical Blues
02 - Two Trains
03 - Got No Shadow
04 - The Fan
05 - Texas Rose Cafe
06 - Snakes On Everything
07 - Cat Fever
08 - Walkin’ All Night
09 - Sailin’ Shoes
10 - Dixie Chicken
11 - Tripe Face Boogie
12 - Willin’
13 - Cold Cold Cold
14 - Fat Man In The Bath Tub